L’entreprise impériale de Volkswagen dans l’espace médiatique

Dieselgate : and the winner is...

En ce mois de novembre, l’offensive électrique de Volkswagen se traduit par une impressionnante série d’annonces et de déclarations des dirigeants du groupe qui semblent vouloir convaincre chacun que l’inéluctable marche vers le véhicule électrique à batterie est en cours et que c’est Volkswagen qui, parmi tous les constructeurs, est le plus prêt à conduire cette mutation.
 
Il y a sans doute là une dimension "méthode Coué" qui conduit les dirigeants effrayés par les risques qu’ils prennent à vouloir se convaincre, convaincre leurs équipes et convaincre les clientèles que l’électrique à batterie est le bon choix.
Il y a surtout d’évidence une volonté très politique d’imposer un standard mondial et de fabriquer, pour l’industrie automobile, des règles du jeu concurrentiel qui seront d’autant plus facile à respecter pour Volkswagen qu’elles auront été en large partie conçues autour de ses convictions et propositions.
 
Un des signes de ce travail politique a été donné lorsque Angela Merkel a, au début du mois, honoré l’invitation des dirigeants du groupe à venir assister au lancement de la fabrication de la ID3 dans l’usine de  Zwickau à l'est de la Saxe.
Alors que le procès qui met aux prises en Allemagne Volkswagen et ses clients lésés par la tricherie sur les moteurs Diesel s’est ouvert en septembre, la visite vaut absolution en même temps qu’adhésion au credo de Herbert Diess qui a déclaré à cette occasion : "La question n'est pas de savoir si la voiture électrique va l'emporter, mais à quelle vitesse cette transition se fera sur les différents marchés".
 
La chancelière a, quant à elle, exprimé sa conviction que : "Ceci marquera un changement de paradigme au sein de la mobilité jamais vu dans l'histoire de l'automobile." Elle a ensuite  affirmé que l'Allemagne allait engager de "grands efforts" afin d'encourager le pays à se tourner vers l'automobile électrique. Et, de fait, elle a indiqué que le gouvernement allemand voulait que soient installées un million de bornes de recharge électrique et à hydrogène d’ici à 2030 et que, pour y parvenir, un nouvel investissement de 3 milliards d’euros d’ici à 2023 était prévu.
 
D’évidence, la connivence entre l’industrie automobile allemande et VW en particulier qui avait été notoirement affaiblie par le dieselgate est restaurée autour du véhicule électrique et des usines allemandes qui en accueillent la fabrication.
Herbert Diess entend très clairement pousser cet avantage et convaincre chacun que c’est son entreprise qui donne le la. C’est ainsi par exemple que, contrairement aux revendications de nombreux autres constructeurs dont les deux autres allemands, il tient pour inepte l’exigence de "neutralité technologique" et cherche à convaincre Bruxelles, Berlin, Pékin et les analystes que l’hydrogène est, pour l’automobile, une ineptie.
En mars déjà, lors de la conférence de presse annuelle du groupe, le PDG de Volkswagen avait déclaré qu’il n’y avait "pas d’alternative à la voiture à batterie pour les décennies qui viennent" et, répondant à une question d’un journaliste de Die Welt qui demandait si la voiture à hydrogène était abandonnée, le PDG de VW avait répondu : "Nous devons prendre une décision maintenant. Nous ne pouvons plus débattre d’ouverture technologique, cela n’aidera pas, nous devons changer de système. Je pense que le temps du débat est terminé, la situation est claire : les objectifs climatiques ne peuvent être atteints qu’avec les véhicules électriques." Et il avait ajouté : "L’hydrogène est moins efficient."
 
Constatant que sa victoire n’était pas totale et que, en Allemagne comme ailleurs, son credo souffrait encore quelques contestations qu’il estime dommageable, il revient à la charge en s’adossant à une série de travaux de recherche qui sont sensés apporter la preuve de l’ineptie de la solution hydrogène/PAC. 
Un tel acharnement ne renvoie pas à un débat technique ou intellectuel mais bien à la volonté de convaincre chacun qu’il est possible, souhaitable et rentable de s’engager sur le véhicule électrique à batterie à condition de cesser de tergiverser et d’en faire le standard mondial.
Il faut donc que, comme Angela Merkel, toute la planète soit convaincue que, avec VW, le véhicule électrique à batterie va devenir rapidement un bon choix technologique, industriel et commercial. En effet, VW est une entreprise globale et il est crucial pour elle que ce qui sera vrai en Europe le soit aussi en Chine – à moins que ce ne soit l’inverse - ou aux Etats-Unis sans quoi les économies d’échelle et les positions dominantes associées ne seront plus assurées.
 
Le groupe Volkswagen a vendu 4,7 millions de véhicules en Europe en 2018 et autant en Chine, il est donc essentiel pour le groupe aussi Chinois qu’Allemand désormais que les choix soient les mêmes à Pékin et à Bruxelles et que le constructeur qui incarne l’avenir de l’automobile décarbonée soit sans conteste VW dans les deux régions du monde.
Au delà des politiques qu’il faut convaincre de ne soutenir que l’électrique à batterie et qu’il est hautement souhaitable pour parvenir à opérer cette mutation de s’adosser au champion du monde en la matière, il y a un enjeu fort pour VW à montrer que ses choix sont les bons et que, en contrepoint, ceux des constructeurs qui ne font pas les mêmes ne pourront pas parvenir aux mêmes performances.
 
Deux choix stratégiques clés sont ainsi valorisés par Herbert Diess et ses équipes comme pour désigner ceux qui font d’autres choix comme n’étant pas au niveau.
Le premier concerne la ou les plateformes sur lesquelles reposent les véhicules électriques.
Le second concerne l’intégration par les constructeurs de la recherche et de la production des cellules.
VW fait le choix de plateformes spécifiques en arguant qu’électrifier de manière optimale un véhicule l’impose. De même, là où certains continuent de penser -comme VW il y a quelques temps encore- qu’il faut laisser aux industriels spécialistes maîtrisant les savoirs et savoir-faire en électrochimie le soin de concevoir des cellules de batterie d’ancienne comme de nouvelle génération, VW considère qu’il est crucial désormais de maîtriser cette composante clé de la nouvelle chaîne de valeur automobile.
 
Ainsi, dans la pluie de communiqués de ces dernières semaines, VW a indiqué -et fait répéter par toute la presse- que l’ID3 grâce à l’usage de plateforme MEB atteignait un PRF (prix de revient de fabrication) 40% plus faible que celui de l’e-Golf.
Les analystes auront dû comprendre que ceux de ses concurrents qui – comme PSA – font le choix de plateformes multi-énergies se trompent et vont proposer de mauvais produits trop chers ou inaptes à dégager une quelconque rentabilité.
De même, depuis l’annonce, en septembre 2018, d’un investissement de 100 millions d’euros dans startup QuantumScapr qui avait fait de VW l’actionnaire majoritaire, le directeur de la recherche Axel Heinrich martèle que son groupe considère "qu’une plus grande autonomie, des temps de charge plus rapides ainsi que la sécurité inhérente à la technologie des batteries à l’état solide seront un élément décisif pour la prochaine génération de groupes motopropulseurs électrifiés". 
Entendons que VW maîtrisera ces technologies et que beaucoup d’autres constructeurs, qui considèrent que ce n’est pas de leur ressort et/ou qu’il faut aussi investir du côté de l’hydrogène et de la PAC, ne les maîtriseront pas.
 

Cette communication autour des bons choix des uns et des mauvais choix des autres comme celle autour de ses colossaux investissements comparés auxquels ceux de la concurrence paraissent fatalement ridicules ont vocation à convaincre chacun, analystes, journalistes, politiques, salariés et fournisseurs, que c’est VW qui "fait le jeu" et qu’il est urgent de l’imiter, de le suivre et/ou de favoriser son activité et/ou toutes celles qui retiendront les mêmes options.
Au delà du "jugement des marchés" via les analystes, ce qui est visé là est bien l’imposition d’un standard autour duquel seront construites les politiques publiques et les stratégies des entreprises tout au long de la chaine de valeur.  VW a fait ses choix sur une base sino-européenne et aimerait que ce soit ceux qui s’imposent partout. Il est encore temps de se demander, en France en particulier, si il est opportun pour toutes les nations et tous les constructeurs de faire les mêmes.

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