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Automobile : prépare-t-on vraiment la fin d’un règne sans partage ?
Submitted by Bernard Jullien, Université de Bordeaux on Mon, 11/23/2009 - 11:28
La chronique hébdomadaire de Bernard Jullien directeur du Gerpisa.
Dans l’avion qui me conduit à Clermont-Ferrand où je vais discuter un rapport que je viens de remettre sur l’automobile et la mobilité en milieu rural, je découvre le dossier que Le Monde consacre à la "révolution des usages" automobiles pour soutenir une conférence que le journal co-organisait cette semaine et qui était intitulée "demain, la voiture servicielle". Centrés sur la question urbaine, la réorganisation des mobilités et la structuration de nouvelles offres, les articles proposés mettent le doigt sur les questions clés que pose au fond le développement de l’automobile depuis au moins quarante ans. A la question environnementale près, Alfred Sauvy qui, avec d’autres, en avait fait dans les années 60 et 70 un de ses combats de prédilection pour montrer comment la combinaison de décisions économiques rationnelles peut dessiner une "économie du diable" y retrouverait nombre des arguments qu’il développait alors.
Parmi ceux-ci, celui de l’espace occupé par l’automobile dont Sauvy disait qu’il n’était pas payé par l’automobiliste est un des plus forts. C’est en effet ce besoin inextinguible d’espaces pour circuler et garer les véhicules immobiles qui ne peut jamais, dans les zones denses, être satisfait et qui transforme le recours à l’outil de mobilité qu’est censé être l’automobile en source d’encombrements en même temps qu’il rend la vie en centre ville chère et difficile, repousse les populations loin de ceux-ci et génère, dans un cercle vicieux infernal, des besoins de mobilité qui continuent d’être d’abord satisfaits par l’usage de l’automobile.
Pour conjurer le problème sans vouloir trop restreindre la liberté de circuler en automobile, on a redéfini le partage de la voirie pour organiser la circulation des transports collectifs ou des vélos "en site propre" en espérant redonner aux alternatives à l’automobile un avantage comparatif clair. On a pour cela consommé un peu plus d’espace et, dans la mesure où l’usage de l’automobile n’en a pas été significativement affecté, l’immobilité des véhicules a cru. Aujourd’hui, à Paris, pour Vélib’ déjà, pour Autolib’ bientôt et pour des véhicules électriques qui gagneraient à ne pas avoir à cohabiter avec des véhicules classiques pour ne pas être soumis à des normes de sécurité pénalisantes et tenir leurs promesses de réduction des émissions, la question de la consommation d’espace est reposée très explicitement. C’est d’ailleurs un des arguments que les écologistes opposent aux partisans de l’électrique : en dédouanant les automobilistes des dommages environnementaux qu’ils occasionnent par leurs émissions de CO2, l’électrique pourrait contribuer à maintenir les sociétés dans ces voies sans issue qu’elles pratiquent depuis des années en matière de gestion de l’espace.
La réponse suggérée par Le Monde est assez clairement le renoncement à la propriété des véhicules et le recours à des formules d’auto-partage, de location ou de multipropriété. En effet, celles ci inscrivent l’automobile dans l’espace public autant que dans l’espace privé, induisent une facturation à l’usage qui reflète mieux les coûts réels et permet d’intégrer les coûts sociaux et conduisent à des comportements privés et collectifs qui sont focalisés sur l’optimisation de solutions multimodales dans lesquelles l’automobile n’a plus de raison de régner sans partage. Sur le papier, la démonstration est effectivement convaincante et les expériences décrites comme celle de l’américain Zipcar donnent du crédit à l’alternative.
La question irrésolue est de savoir si et comment ce qui fait sens quand l’alternative est pratiquée à grande échelle peut éviter d’être discrédité par le bricolage au profit de minorités de bobos déjà acquises à l’optimisation multimodale. Aujourd’hui, chez les constructeurs comme à la SNCF ou chez Véolia, on prétend par l’expérimentation rechercher de nouvelles complémentarités. On se prépare par conséquent à essayer de convaincre le public par une multiplication des offres dont on pressent, avec les problèmes posés par la recherche d’emplacements pour les stations Autolib’, que la cohabitation sera encombrante et risque dès lors d’accentuer les problèmes qu’on espère résoudre. Plutôt que de rechercher, même à petits pas, une alternative globale qui risquerait d’être une alternative à dominante publique qui impliquerait des concessions importantes non seulement en termes de liberté de se garer ou de circuler mais encore en termes de liberté de posséder un véhicule, on préfère ménager le public et laisser à tous les opérateurs l’espoir d’être les bénéficiaires de ces réorganisations. Vis-à-vis du public, avec l’auto-partage comme avec le Tramway, le vélo ou le bus en site propre, parce que l’on sait l’offre qui émergera trop pauvre, on n’envisage pas d’obliger à y recourir. Vis-à-vis des opérateurs de mobilité, là où derrière le discours consensuel sur la complémentarité, se profile une vraie guerre pour le capitanat de la chaîne de valeur, on n’ose pas arbitrer et on laisse chacun, aller à pas comptés explorer des voies incompatibles et, selon toute vraisemblance, perdre beaucoup d’argent.
La chronique de Bernard Jullien est aussi sur www.autoactu.com.
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