Départ de Bolloré : son management de Renault a plus pesé que ses liens avec Ghosn
La chronique hébdomadaire de Bernard Jullien Ancien directeur du Gerpisa, maître de conférences en économie à l'Université de Bordeaux et conseiller scientifique de la Chaire de Management des Réseaux du Groupe Essca.
Le gouvernement et l’agence des participations d’Etat qui, après avoir souhaité la fusion Renault-Nissan et envisagé d’un bon œil l’opération Renault-FCA, semblent avoir depuis début juin compris enfin que la relance de l’Alliance devait être la priorité donnée à J.-D. Senard aurait validé l’option. L’entreprise serait donc principalement une entreprise de "dé-ghosnisation" du top management des deux entreprises nécessaire à un nouveau départ.
En effet, à ce jeu, dans des entreprises qui ont eu C. Ghosn pour dirigeant pendant 15 à 20 ans, l’épuration ne serait jamais terminée et, de fait, dans les actuelles équipes dirigeantes, on trouve immanquablement encore des personnes qui ont été recrutées et/ou promues par C. Ghosn et qui ont adhéré à son management et/ou à sa vision de l’Alliance.
De la même manière, parmi les personnes qui ont quitté Renault à cause de Thierry Bolloré et de la placardisation qu’il leur proposait comme unique perspective de carrière, certains étaient au moins aussi ghosniens que lui. Ce prisme ne peut donc être pleinement satisfaisant et s’il ne s’est trouvé que trois personnes sur 18 pour s’abstenir au moment de voter sur son éviction, c’est que le travail fait par T. Bolloré à la tête de Renault n’a guère convaincu.
Comme l’écrit Anne Feitz des Echos : "Thierry Bolloré n'a pas transformé l'essai" et "le choix d'anciens consultants ou de novices de l'automobile, conjugué aux départs de nombreux dirigeants (pour certains appréciés en interne), a alerté le Conseil". Pour une fois, pourrait-on dire, le Conseil (et l’APE en particulier) semble s’être préoccupé du travail des équipes Renault et a perçu qu’il y avait problème.
Les Echos cite le cas du programme FAST destiné à "rendre l'entreprise plus agile" qui a entraîné beaucoup de problèmes.
On pourrait aussi rappeler l’épisode que F. Lagarde relatait le 24 septembre concernant le centre PR de Cergy (Eragny) avec le déploiement d’un nouveau système informatique de gestion du magasin, le fameux WMS (Warehouse Management System) de Manhattan en juillet : destiné à améliorer le service client, il a entrainé une dégradation sans précédent de la qualité et mis les réseaux en difficulté.
La DCF avait d’ailleurs décidé cet été de suspendre les notations qualité des ateliers du réseau.
On peut encore faire le lien avec les constats que l’analyse des chiffres d’immatriculations de Renault et Dacia proposée mardi mettent en lumière : face au nouveau régime de Bonus Malus prévue dans le PLF 2020, le groupe Renault sera fortement pénalisé par l’application de ce nouveau barème avec à peine un tiers des immatriculations en zone neutre pour Renault (31%) et seulement 11% pour Dacia. A l’opposé, soulignait F. Lagarde, "les marques de PSA (hors Opel) apparaissent très bien positionnées puisque 69% des immatriculations de Citroën et 62% de celles de Peugeot resteraient exemptées du malus".
En effet, eux qui ont, à la différence de beaucoup de salariés, la possibilité de profiter du mercato ont quitté un univers où ils avaient le sentiment de ne plus pouvoir correctement faire leur travail pour rejoindre une entreprise et des équipes où les questions stratégiques et opérationnelles sont posées et traitées.
Il ne s’agit pas que du plan produit qui met Sochaux en surchauffe alors que Douai souffre terriblement. Il s’agit d’à peu près tous les dossiers. Le passage au WLTP l’été dernier comme le pilotage des objectifs CO2 sur 2020 paraissent beaucoup plus bordés chez PSA que chez Renault. Même sur l’électrique, les Renault finissent par se demander si Zoé ne va pas se faire dépasser début 2020 par la e-208 comme la Clio V pourrait avoir du mal à réitérer la performance de la IV face à la 208 et à la C3.
Renault pouvait – et peut encore – se targuer d’avoir réussi son inter-continentalisation là où PSA a assez largement échoué.
Le problème depuis un an est que Thierry Bolloré n’est pas parvenu à convaincre qu’il donnait à ses équipes les moyens de remonter la pente sur laquelle l’entreprise paraissait glisser.
Typiquement, le plan 2022 auquel personne ne croit plus n’a pas été réexaminé et T. Bolloré s’était contenté lors de la présentation des résultats semestriels d’affirmer qu’il faisait confiance à la Clio V puis au nouveau Captur pour reprendre la marche vers les volumes et profits visés. C’était un peu court pour nous convaincre. Cela donnait surtout l’impression à ses équipes qu’il ne voyait pas son embarcation dériver.
L’Etat avait donné pour missions à J.-D. Senard de remettre l’Alliance en ordre de marche d’un côté et de doter Renault d’un management renouvelé d’autre part. Sur le premier dossier, après que l’on ait craint le pire et qu’il ait lui même louvoyé, J.-D. Senard est revenu du Japon avec, sinon des assurances, du moins d’assez solides raisons de penser que le lent travail de reconstruction allait pouvoir commencer. Reste à espérer qu’il pourra enfin s’atteler au second volet avec le triumvirat mis en place vendredi dans un premier temps et en trouvant rapidement ensuite un dirigeant pour Renault qui redonne enfin aux salariés le sentiment qu’il peuvent travailler correctement.
La chronique de Bernard Jullien est aussi sur www.autoactu.com.
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