Données de mobilité : la puissance publique reprend la main
Submitted by Géry Deffontaines, GERPISA on Sun, 10/21/2018 - 23:00
La chronique hebdomadaire de Bernard Jullien Ancien directeur du Gerpisa, maître de conférences en économie à l'Université de Bordeaux et conseiller scientifique de la Chaire de Management des Réseaux du Groupe Essca.
Jeudi, alors que l’avant-projet de la loi d’orientation des mobilités, dite loi LOM, était rendu public par la revue Contexte et évoquait, entre autres, la possible utilisation par les villes de plus de 100 000 habitants de péages urbains et de systèmes de contrôle automatisé du respect des zones à faible émission, Elizabeth Borne et Mounir Majoubi réunissaient le premier comité stratégique "Données – MaaS", à l’occasion du salon Autonomy à la Grande Halle de la Villette.
Ils validaient ainsi une des propositions de l’atelier thématique "Mobilités plus connectées" qui avait été organisé lors des Assises.
En effet, la mesure n°9 proposée était intitulée "Créer un lieu de rencontre et d’échanges régulier au niveau national" et explicitée ainsi : "Après les Lois Macron et Lemaire, et à l’occasion de la nouvelle loi sur les mobilités, il paraît maintenant indispensable de mettre l’ensemble de ces acteurs autour d’une même table afin de partager dans de meilleures conditions leurs propres données et d’inciter chacun d’entre eux à des progrès significatifs. Il y a besoin de créer un lieu de rencontre régulier et une instance de gouvernance de données de mobilité et du Maas regroupant les acteurs publics (autorités organisatrices et État) et les opérateurs privés pour réussir l’ouverture des données de qualité, échanger sur les formats et les nouveaux enjeux de régulations que pose le numérique notamment en termes d’occupation de l’espace public et soutenir l’innovation et la transformation numérique des acteurs de la mobilité."
En effet, la mesure n°9 proposée était intitulée "Créer un lieu de rencontre et d’échanges régulier au niveau national" et explicitée ainsi : "Après les Lois Macron et Lemaire, et à l’occasion de la nouvelle loi sur les mobilités, il paraît maintenant indispensable de mettre l’ensemble de ces acteurs autour d’une même table afin de partager dans de meilleures conditions leurs propres données et d’inciter chacun d’entre eux à des progrès significatifs. Il y a besoin de créer un lieu de rencontre régulier et une instance de gouvernance de données de mobilité et du Maas regroupant les acteurs publics (autorités organisatrices et État) et les opérateurs privés pour réussir l’ouverture des données de qualité, échanger sur les formats et les nouveaux enjeux de régulations que pose le numérique notamment en termes d’occupation de l’espace public et soutenir l’innovation et la transformation numérique des acteurs de la mobilité."
Même si le communiqué de presse commun aux deux ministres insiste sur la dimension MaaS – pour "Mobility as a Service" - et sur l’importance de l’innovation et des start-up du numérique, il faut sans doute voir dans la mise en place de ce Comité un outil de préparation des modalités de mise en œuvre en France de la directive européenne sur l’Open data qui tente de redonner la main aux collectivités.
En effet, à l’instar de ce qui est en train de se passer sur les trottoirs des grandes villes où prolifèrent de manière un peu anarchiques les nouveaux outils de mobilités et les nouveaux services associés, les "big datas" de la mobilité et leurs usages sont générées et exploitées par beaucoup d’opérateurs privés – dont des Google ou Uber – hors de tout contrôle des régulateurs.
Plus, si beaucoup de métropoles se sont lancées dans des politiques d’open data et facilitent ainsi le travail de ces opérateurs, l’inverse n’est que rarement vrai et même les grandes entreprises délégataires de service public rechignent parfois à transmettre leurs datas. De fait, il est ressorti que, après les lois Macron et Lemaire, le dossier avait bien peu progressé et l’UE ne laisse désormais plus le choix à la France.
Comme l’explique La Gazette des Communes, la loi du 6 août 2015, dite "loi Macron" prévoyait la mise à disposition des données de mobilité "librement, immédiatement et gratuitement en vue d’informer les usagers et de fournir le meilleur service, notamment en permettant l’organisation optimale des services de mobilité et des modes de transport".
En effet, à l’instar de ce qui est en train de se passer sur les trottoirs des grandes villes où prolifèrent de manière un peu anarchiques les nouveaux outils de mobilités et les nouveaux services associés, les "big datas" de la mobilité et leurs usages sont générées et exploitées par beaucoup d’opérateurs privés – dont des Google ou Uber – hors de tout contrôle des régulateurs.
Plus, si beaucoup de métropoles se sont lancées dans des politiques d’open data et facilitent ainsi le travail de ces opérateurs, l’inverse n’est que rarement vrai et même les grandes entreprises délégataires de service public rechignent parfois à transmettre leurs datas. De fait, il est ressorti que, après les lois Macron et Lemaire, le dossier avait bien peu progressé et l’UE ne laisse désormais plus le choix à la France.
Comme l’explique La Gazette des Communes, la loi du 6 août 2015, dite "loi Macron" prévoyait la mise à disposition des données de mobilité "librement, immédiatement et gratuitement en vue d’informer les usagers et de fournir le meilleur service, notamment en permettant l’organisation optimale des services de mobilité et des modes de transport".
Las, la mesure était conditionnée à l’entrée en vigueur d’un décret qui n’a jamais vu le jour. C’est dans ce contexte qu’est intervenue la loi pour une République numérique du 7 octobre 2016, dite "loi Lemaire", qui rendait obligatoire l’ouverture gratuite de toutes les données collectées ou produites à l’occasion de l’exploitation d’un service public faisant l’objet d’un contrat c’est à dire des données des transports publics. Aujourd’hui, le gouvernement veut aller plus loin, poussé par l’adoption, le 31 mai 2017, d’un règlement européen sur la mise à disposition, dans l’ensemble de l’Union européenne, de services d’informations sur les déplacements multimodaux.
En évoquant par exemple le cas de Waze qui oriente les flux là où son algorithme le décide en faisant fi de la "qualification des voiries", de nombreux observateurs ont exprimé la crainte fondée que la Smart City soit dans les faits une entreprise de démantèlement par les géants comme par les start-up du numérique de toutes les facultés de régulation des mobilités et de l’espace public (1).
L’open data serait dans la même perspective un jeu de dupe puisque la puissance publique jouerait seule ce jeu, serait petit à petit dépossédée de la data et de ses usages et verrait l’espace numérique comme l’espace physique occupé par des opérateurs sur lesquels elle n’aurait pas prise et qui ne partageraient quant à eux ni leurs datas ni leurs algorithmes. Il y aurait urgence pour cette raison à voir les Autorités organisatrices de la mobilité (AOM) développer "de véritables stratégies territoriales de la donnée".
Le jeu qui se dessine semble beaucoup plus équilibré et pourrait bien ressembler à une reprise en main de l’espace numérique par les grands acteurs traditionnels des transports. Ainsi, dans le Journal du Net (JDN), un article consacré à ce sujet est intitulé "Les entreprises de mobilités bientôt dépossédées de leurs données ?" et exprime la crainte symétrique.
L’auteur écrit : "Fini de demander poliment aux entreprises leurs données. Dans le cadre de la loi d'orientation des mobilités (Lom) (…), le gouvernement prépare une mesure susceptible de bouleverser le secteur des mobilités. Il s'agit de l'ouverture obligatoire des données de mobilités, sans distinction entre le privé et le public."
De fait, pour tenir leur rôle traditionnel de régulateur de l’espace public, l’adapter à la prolifération des outils et des services de mobilité et être à même de statuer sur ce qu’ils doivent autoriser ou bannir ou subventionner ou taxer, les AOM ont besoin d’éléments qu’ils ne pourront obtenir qu’en concevant ce type de dispositifs contraignant les acteurs privés à transmettre des datas qu’ils ne donneraient spontanément qu’au compte goutte et sous des formes peu exploitables.
Le jeu qui se dessine semble beaucoup plus équilibré et pourrait bien ressembler à une reprise en main de l’espace numérique par les grands acteurs traditionnels des transports. Ainsi, dans le Journal du Net (JDN), un article consacré à ce sujet est intitulé "Les entreprises de mobilités bientôt dépossédées de leurs données ?" et exprime la crainte symétrique.
L’auteur écrit : "Fini de demander poliment aux entreprises leurs données. Dans le cadre de la loi d'orientation des mobilités (Lom) (…), le gouvernement prépare une mesure susceptible de bouleverser le secteur des mobilités. Il s'agit de l'ouverture obligatoire des données de mobilités, sans distinction entre le privé et le public."
De fait, pour tenir leur rôle traditionnel de régulateur de l’espace public, l’adapter à la prolifération des outils et des services de mobilité et être à même de statuer sur ce qu’ils doivent autoriser ou bannir ou subventionner ou taxer, les AOM ont besoin d’éléments qu’ils ne pourront obtenir qu’en concevant ce type de dispositifs contraignant les acteurs privés à transmettre des datas qu’ils ne donneraient spontanément qu’au compte goutte et sous des formes peu exploitables.
C’est cette perspective qui semble être privilégiée aujourd’hui et ce n’est sans doute pas un hasard si comme l’indique encore le JDN : "Waze, propriété d'Alphabet (maison-mère de Google), n'a pas souhaité commenter un projet de loi encore en discussion. Mais il n'est pas compliqué de comprendre en quoi l'entreprise serait perdante. Aujourd'hui, Waze partage ses données en temps réel avec des collectivités et gestionnaires d'infrastructure en France via son programme Connected Citizens de précieuses informations sur le trafic et les accidents. Mais Waze a toujours refusé que ses partenaires partagent ces données avec des tiers. Impossible donc de les mettre en open data."
(1) Lire à ce sujet le livre de J. Haëntjens, Comment les géants du numérique veulent gouverner nos villes, Rue de l’échiquier, 2018.
La chronique de Bernard Jullien est aussi sur www.autoactu.com.
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