Restaurer une base industrielle automobile forte en France : quelle faisabilité, quelles conditions ?

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Compte Rendu / Report

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Compte rendu de la journée du Gerpisa, Number 271, CCFA (2022)

Notes:

Olivier Verhaeghe, Expert, éditeur et développeur du site My-Better-Job.fr

Texte complet:

Arrêtera-t-on la désindustrialisation, voir l’inverser ? Cette présentation s’appuie sur un rapport remis en avril 2021 pour l’Observatoire de la métallurgie.

Les tendances depuis vingt ans sont défavorables pour l’industrie automobile (IA). La France était le deuxième pays producteur d’automobiles en Europe, après l’Allemagne. Aujourd’hui ce n’est plus le cas. On constate en France une tendance à la décroissance de l’industrie, avec quelques légères stabilisations, suivies ensuite de déclin de l’emploi industriel. Il y a des externalisations vers l’intérim ou vers le tertiaire, mais la contribution au PIB de l’IA décline. C’est-à-dire qu’il y a une perte de poids de la filière dans l’économie nationale.

Cette baisse de l’automobile est spécifique, car on ne la constate pas dans l’industrie aéronautique ou navale. En outre, cette crise de l’emploi touche tous les territoires français : les constructeurs sont concentrés dans quelques régions, mais les équipementiers sont distribués partout dans le territoire. De plus, les gains de productivité dans l’industrie automobile n’expliquent pas la baisse de l’emploi.

Quelle évolution au niveau de la filière ? Le poids des constructeurs dans la filière décline du fait de l’externalisation vers les sous-traitance et les équipementiers. De façon globale, la perte d’emploi est plus importante chez les constructeurs. Ceux qui s’en sortent mieux sont les constructeurs d’équipements électriques, en raison de l’augmentation de la demande.

On remarque une évolution contrastée selon les secteurs. La perte d’emploi est liée à celle d’usines s’assemblages. Par exemple PSA Rennes entraine l’emploi automobile dans toute la région. L’intérim accompagne les périodes de croissance et de reprise de l’activité. Plus récemment, on constate une chute du nombre d’intérimaires à partir de 2019.

Pour résumer : on constate donc une dégradation générale de la situation. C’est une spécificité française, liée au cycle de désindustrialisation de l’industrie française, où la France perd son avantage stratégique.

Quelle réactions de soutien à la filière ? Il y a une montée en puissance des équipementiers et de la sous-traitance des activités électriques et de services informatiques, même si cela reste limité. De la même façon, on voit apparaître des initiatives « green fields », avec ACC. Avec Renault Electricity on voit aussi une logique de développement de pôles électriques.

On peut se demander s’il y a une divergence des deux constructeurs français, avec une sStratégie de redéploiement industriel dans le cas de Renault, et de maintenir la stratégie de désindustrialisation de Stellantis.

Il y a une réindustrialisation sur certains segments sur lesquels la France est en retard, surtout par rapport à l’Allemagne, comme les gigafactories. Ce retard complique la façon de mener le rattrapage, notamment en termes de compétences.

Deux scénarios s’affrontent actuellement.

Un scénario premier scénario, pessimiste, est le plus probable. Comme le reste de la filière européenne, la France fait face à des défis comme la baisse des volumes commercialisables, l’émergence de nouveaux acteurs comme la Chine, une pression environnementale incontournable, course à l’innovation, etc.

Mais il y a une fragilité spécifique à la France : l’environnement technologique est moins favorable, malgré le succès de quelques pôles de compétitivité. À cela s’ajoutent des problèmes de manque de compétences mobilisables sur le marché du travail. Sur le long terme, il y a un problème de viabilité technologique. Enfin, les rapports entre groupes internationaux distendent le rapport au territoire national (Stellantis).

Dans ce scénario, il n’y a pas d’amélioration de l’environnement économique des entreprises, déclin continu des volumes de production et donc des effectifs, avec fermetures. On ne risque pas de sortir la France des grands pays constructeurs d’automobiles dans les années 2030 ? Et pourtant, produire et réparer des véhicules motorisés est une question clé pour la souveraineté nationale, surtout dans le contexte de tensions géopolitiques.

Un deuxième scénario, optimiste, et moins probable, est celui où l’on traite des problèmes structurels de la filière automobile française. Ceci suppose une révolution mentale, juridique, professionnelle, dans les pratiques. Ceci permettrait d’envisager de neutraliser les baisses d’emploi et de stabiliser l’emploi de la filière, avec éventuellement un gain de compétitivité des sites français par rapport à leurs concurrents européens.

Un ensemble de risques menacent la filière aujourd’hui. Risque de pénurie de composants, risque de pénurie de l’énergie, etc. Risque de la dette publique, pouvant déboucher sur des pressions budgétaires aiguës. Risque géopolitique (guerres et épuisement du couple franco-allemand). Ces risques doivent pousser à consolider la base industrielle, et la base industrielle automobile notamment.

Questions : Une voiture c’est pas qu’un moteur, beaucoup de composantes entrent dans la fabrication d’un véhicules. La filière française est très faible aussi dans la fabrication des composantes, en comparaison avec l’Allemagne.
Aujourd’hui il y des projets d’usines de batteries. Industriellement l’efficacité c’est d’avoir les usines de batterie chez soi. Cependant, la technologie des batteries ne cessent de changer, la technologie n’est pas figée. Le jeu est entièrement ouvert. Pourquoi une technologie européenne ne pourrait-elle pas rafler la mise sur la fabrication de batteries ? Ceci pousse à localiser une chaîne de fabrication complète, et l’Europe sait faire tout cela. Il y a un vrai potentiel de développement.

Problème des impôts de production : ils n’ont aucun impact sur les volumes d’investissement. Il faut pondérer les facteurs qui sont favorables, ou défavorables à la réindustrialisation. Toyota est vu comme le bon élève : comment arrivent-ils à faire là où les autres constructeurs n’y arrivent pas ?

Réponse : Toyota a enterré le fordisme, ils ont une intelligence décentralisée. Ils ont des méthodes qui fonctionnent. Ensuite, Toyota à Valenciennes a été construite pour produire ce qu’elle fait : elle a été conçue pour produire la Yaris, et rien d’autre. Quand Renault s’st installé à Douai, Peugeot à Rennes, ces sites là ont été créés de façon surdimensionnée. Les crises de 2008 et 2020 ont poussé les constructeurs à faire des efforts en termes de compétitivité. Toyota n’a pas eu à faire ces efforts-là. En cela, Toyota est le bon élève d’une famille de surdoués.

Question : Il y a une vision dorée sur Toyota. En France ça marche, mais dans d’autres pays ça marche moins. Il ne faut pas être Toyota pour qu’une usine marche, si l’entreprise croit, embauche une main-d’oeuvre jeune, est formée, etc. De plus, le véhicule utilitaire fonctionne, et il n’y a pas besoin d’être Toyota pour cela. Pourquoi marche-t-il ?
Le déclin automobile est-il lié au marché unique ? La dimension européenne joue un rôle important dans le déclin de l’automobile français. Quand un constructeur automobile français s’endette, ils paient cela beaucoup plus cher. Il y a aussi une montée en gamme de la production française, mais cela n’est pas bénéfique aux constructeurs français. Est-ce que dans le scénario positif, la descente en gamme joue un rôle ?

Réponse : Le VU est un point fort de l’industrie automobile française. Ce que les allemands ont fait sur les véhicules particuliers n’avait pas de sens sur le véhicule utilitaire. Les constructeurs allemands vendent plus et plus cher dans segment les véhicules particuliers. Mais le modèle allemand arrive à ses limites. Il y aura des coups de positionnement dans le marché à jouer, notamment avec l’électrique, surtout s’il y a une descente en gamme.

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