Utilisation des VE pour fournir des services de réseau électrique : défis réglementaires

Type de publication:

Compte Rendu / Report

Source:

Compte rendu de la journée du Gerpisa, Number 270, Virtuel (2022)

Notes:

Yannick Perez, CentraleSupélec

Texte complet:

On peut se poser différemment la question de l’électrification, pas seulement du point de vue de la production des véhicules électriques (VE), mais du point de vue du réseau de distribution électrique.

On a besoin de plus en plus de décarbonisation du secteur de transport et de la mobilité. Pour cela, il faut une transition vers les VE et les régulations vont dans ce sens, avec des engagements politiques et gouvernementaux pour aller dans le sens d’une décarbonisation. De plus en plus de constructeurs s’engagent dans ce sens, avec deux incitations : les subventions et les amendes.

La voie de l’électrification est donc bel et bien engagée. En outre, les batteries sont de plus en plus efficientes, et les constructeurs veulent mettre de plus en plus de puissance dans les batteries afin de satisfaire les besoins de mobilité. Il y a deux types de mobilités : une mobilité quotidienne (20km/jour) et une mobilité exceptionnelle (800 km, une seule fois par an). Or cela correspond à deux types de véhicules. On constate pourtant que les batteries sont trop grandes par rapport aux besoins quotidiens.
Pour les besoins journaliers de mobilité en France, le VE de 50/60 Kw/heure est parfait, mais pour les grandes distances, il faut des batteries de très grande taille. À cela s’ajoute le fait que sur les autoroutes, il faut un système de recharge spécifique, avec une diffusion importante des infrastructures de recharge.
Cela amène une question : les batteries sont-elles trop grandes ? De plus, se pose aussi un problème de pic de consommation d’énergie, où tous les ménages rechargeraient leurs voitures au même moment. Est-ce qu’il y aurait des acteurs qui seraient prêts à acheter la flexibilité offerte par l’énergie stockée dans ces voitures ? Comment faire ? Qui a besoin d’électricité flexible ?

On va donc construire une offre d’énergie, où l’on va offrir des services de millions de Kw/heure, grâce aux VE et l’énergie stockée dans leurs batteries. Les rémunérations ne sont pas connues à l’avance, cela dépendra de l’offre et de la demande en énergie. Il faut mettre en place des règles de marché claires et transparentes dans un secteur où il y a beaucoup d’acteurs.
D’autres conditions doivent être remplies. Pour qu’un propriétaire de VE soit rémunéré pour l’énergie stockée dans son véhicule, il faut qu’il soit connecté à une borne de recharge. Pour qu’il y ait une communication entre le VE et la borne, il faut que le fabricant du VE le permette. Il faut tout un tas de règles pour que l’électricité présente dans les VE soit disponible.

Plusieurs problèmes se posent. La réglémentation n’existe pas encore, car, par définition, les nouvelles technologies et leurs usages précèdent les normes qui les encadrent. Dans quels états sont les réseaux de distribution ? Il y a aussi un problème de barrières d’entrée dans le marché européen. Les réseaux de distribution sont source de revenus, mais on ne sait pas encore très bien transformer cette potentialité en revenus concrets.

N’y a-t-il pas une autre manière de faire fonctionner ce système, en attendant que les régulations changent ? Tesla défend les « toits intelligents », c’est-à-dire des tuiles qui fonctionnent comme des panneaux photovoltaïques. Ceci permettrait à l’usager de ne pas avoir à payer des taxes sur l’énergie.
À qui profitent les VE en dernière instance ? Cela dépendra des décisions gouvernementales, décisions qui dépendent de chaque pays, et de la logique économique derrière ces réglementations. Enfin, il faut savoir que les réglementations sont très lentes à mettre en place. C’est en 1996 que l’on a formulé pour la première fois l’idée d’un VE connecté à un réseau de distribution électrique dans un article de recherche. Ce n’est qu’en février 2022 qu’une entreprise a acquis les droits de mettre en place un système de distribution en France.  

Discussion :

Question : Le Gerpisa travaille depuis longtemps sur le VE, avec toujours beaucoup de scepticisme. On voit enfin la forme que cela pourrait prendre. Mais, comme vous le pointez, il y a encore beaucoup d’incertitudes, notamment dans les prix et dans les rémunérations. Quels intermédiaires vont s'insérer dans le marché ? Qui sont-ils ? Comment s’assurer qu’il n’y a pas un Uber qui ramasse la mise dans ce secteur ?

Réponse : Dans l’énergie, on est sur des marchés européens. Le marché européen n’est pas intégré parfaitement, mais il est intégré. Une panne dans un pays a un effet sur les autres. Les incertitudes sont donc très importantes.
Oui, la question qui se pose est de savoir comment doit être structuré l’écosystème de la distribution d’énergie. Car un risque existe qu’un intermédiaire capture la plupart de la valeur dans ce marché, et que ce ne soient ni les constructeurs, ni les consommateurs.
On peut être pessimistes, car le temps est long. En dix ans, on n’a vu qu’un marché émerger sur cette question. L’objectif est de déverrouiller le marché de réglage de fréquence, qui est le plus complexe. Il y a des poches de ralentissement, de diffusion lente, c’est aussi parce que la technologie est nouvelle. La rencontre entre un univers très dynamique et un univers très conservateur, celui des réseaux, fait que les choses avancent lentement. Au milieu, les constructeurs, dont le but est la rentabilité à moyen terme, sont entre les deux.

Question : N'y a-t-il pas ici une question de coût marginal de production également ?

Réponse : Les prix la nuit sont plus faibles que le jour. Vous puisez ensuite l’électricité pendant le jour. Cela marche s'il y a un différentiel jour/nuit important. D’autres plans sont possibles : se recharger au travail, dans des supermarchés, etc. Or ceci ne peut pas être généralisé, ce n'est pas une solution pérenne.

Question : L’auto-consommation est viable, celle proposée par Tesla et les « toits intelligents », ou s’agit-il du buzz ? Est-ce qu’il y a eu des études sur la rentabilité de l’auto-consommation ? Qu’est-ce qui pourrait inciter aux constructeurs automobiles à investir ce domaine ?
La loi LOM votée en décembre 2019 a obligé les gestionnaires de flottes à verdir leurs véhicules, c'est un coût pour eux. Mais la même loi les a autorisés à faire du B2G pour compenser ces coûts. Est-ce-qu'ils s'y retrouvent ? Ou est-ce trop tôt pour le savoir ?

Réponse : il n’y a pas besoin de réglementation pour imposer le business to grid. Les constructeurs comprennent que s’ils ne mettent pas en place cet équipement, ils ne vendront pas de véhicules.
Le principal coût à faire du vehicle to grid (V2G), c’est la borne de recharge, car il faut implémenter des bornes bidirectionnelles. Les coûts commencent enfin à baisser enfin. Il est trop tôt pour savoir si le V2G est une manière pour eux de s’y retrouver et de compenser le coût du verdissement pour les opérateurs de mobilité/gestionnaires de flottes. Si on est un gestionnaire de flottes, on a la taille suffisante pour adresser ce problème. Mais il y a un coût de développement du projet important, mais pas trop important.

Il y a des entrepreneurs de type différent. Les scientifiques sont des entrepreneurs académiques. Ceci s’est transformé en un projet économique qui depuis 2010 se développe. Les réseaux d’électricité sont impulsés par le monde académique. Au niveau des bâtiments, le réseau est trop éclaté pour qu’il y ait un service où l’on vend un véhicule intégré à une maison. Même si Bouygues, qui investit dans les « maisons intelligentes ». Dans le B2G, Tesla disait jusqu’à récemment, qu'ils n'étaient pas intéressés. Mais ils vendent des batteries, donc ils font du trading d’énergie.

 

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