Renault et l’Alliance : les bons signes donnés en janvier 2020

My name is Luca... I think you've seen me before (Source AFP)

Après plus d’un an de très vives turbulences, Renault et l’Alliance semblent se remettre progressivement en ordre de marche. Après les très nombreux départs vers PSA, l’arrivée en sens opposé de Gilles Le Borgne à la tête des ingénieries avait déjà pu être interprété comme un symbole.
 
Le recrutement enfin finalisé de Luca de Meo en est un autre. En effet, même s’il ne prendra officiellement les rennes qu’en juillet, d’ores et déjà, avec sa nomination et les mouvements que l’on enregistre dans les équipes dirigeantes, on perçoit le chemin que Jean-Dominique Senard entend faire prendre à l’entreprise.
 
D’abord l’idée que l’industrie automobile est une industrie comme les autres dans laquelle l’invocation d’une spécificité forte est toujours une forme de résistance au changement semble avoir fait long feu. 
Outre le fait que le dossier du véhicule autonome qui avait puissamment servi à accréditer cette thèse dans toute l’industrie suscite désormais de moins en moins d’enthousiasme et de plus en plus de doute, chez Renault, c’est l’expérience douloureuse de l’ère Bolloré qui conduit à ce retour aux fondamentaux. 
En effet, les dirigeants issus d’autres industries comme les consultants du BCG ou d’autres grands cabinets ont ces dernières années défini des politiques qui ont souvent paru en interne négliger les réalités et aboutir, à force de ne pas écouter les spécialistes internes, à des déconvenues opérationnelles. 
Le départ de François Renard, venu de chez Unilever , de la direction du marketing monde avait déjà été un signe fort en ce sens. Le fait que le futur nouveau DG ait fait toute sa carrière dans l’automobile en la commençant chez Renault en est un autre.
 
Avec le départ de Olivier Murguet, on voit finalement arriver à sa place Denis Le Vot qui est rentré chez Renault en 1990 à 25 ans et y a fait toute sa carrière. 
Bien qu’il soit ingénieur des Mines, il a essentiellement occupé des postes commerciaux à l’international et a effectué un important passage chez Nissan en Amérique du Nord. Depuis trente ans, il a eu le temps de comprendre ce qu’est Renault et ce que sont ses concurrents partout dans le monde. Il connaît les équipes, les réseaux, les économies et les régulations auxquels le commerce et le marketing doivent s’adapter et L. de Meo comme J.-D. Senard semblent avoir considéré qu’il s’agit là plutôt d’un avantage que d’un handicap. 
Il sera d’ailleurs secondé par un nouveau "directeur marketing monde", Xavier Martinet, qui est entré lui chez Renault en 1987, à 22 ans, a fait toute sa carrière au commerce et au marketing et a, lui aussi, effectué, entre 2010 et 2013, un passage chez Nissan North America en tant que Senior Brand Manager Gamme marketing. Expérience, consistance, capacité à porter un point de vue voire une vision : tels semblent être les nouveaux critères de sélection qui prévalent pour rentrer au Comité Exécutif ou au Comité de Direction.
 
Cela mettra du baume au cœur des équipes qui se sont parfois demandées ces derniers temps si la docilité et la capacité à répéter jusqu’à l’absurde un "story telling" de moins en moins conforme aux faits n’étaient pas devenus le critère clé.
 
Au terme d’une année chaotique J.-D. Senard semble avoir pris la mesure de ce que sont et ne sont pas Renault et l’Alliance au delà de ce qu’entendaient en donner à voir Carlos Ghosn et Thierry Bolloré
Dans une période où il va falloir compter pour restaurer côté Nissan d’abord et côté Renault ensuite une profitabilité très fortement dégradée côté japonais et en baisse chez Renault sans renoncer à investir dans les nouveaux produits et dans les plateformes et technologies qui rendront enfin l’électrique pleinement convaincant, il faut cesser de se raconter des histoires pour mesurer le plus finement possible les écarts qui séparent l’Alliance des objectifs qu’elle se donne. 
 
Les principes qui ont été définis pour l’Alliance la semaine dernière consistent, sur les zones géographiques, les technologies, les motorisations et les plateformes à désigner parmi les trois entreprises qui est "leader" et qui est "follower". Ils n’ont rien de nouveau mais J.-D. Senard sait maintenant qu’ils ont très souvent eu bien du mal à s’appliquer parce que le follower n’avait pas une confiance suffisante dans les compétences du leader pour ne pas chercher à faire travailler ses équipes pour montrer qu’il avait tort et/ou pour développer et mettre en œuvre une alternative à la voie prétendument commune qui avait été actée.
 
Le seul changement ici est que, face aux difficultés et une fois Carlos Ghosn parti, les uns et les autres semblent décidés à respecter ces principes.
 

Clotilde Delbos avait, au moment du départ de Thierry Bolloré et de sa prise de fonction comme DG intérimaire, annoncé la structuration d’un nouveau plan stratégique. Le même exercice devra être réalisé, au delà du plan de redressement de Nissan, chez Nissan comme chez Mitsubishi. 
La manière dont seront conduites les discussions pour les définir au sein des entreprises et entre elles puis le contenu même de ces premiers plans stratégiques de l’après Ghosn permettront de vérifier dans les mois à venir si le nouveau départ et la méthode de management par consensus que prône J.-D. Senard sont pleinement convaincants. Les premiers signes donnés en 2020 donnent quelques solides raisons d’espérer.

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