2020 : l’année où l’électrique doit décoller

Not queuing for take off
 
Dans leur rapport remis en février 2019Xavier Mosquet et Patrick Pelata considéraient qu’il était urgent pour "faire de la France un pays leader des véhicules à faible émission" de "créer un momentum fort pour développer le marché des véhicules électrifiés" : devant les courbes d’évolution des émissions en 2017 et 2018 et connaissant les cibles CAFE définies par l’UE pour 2020 et 2021, les quelques 30 000 VP électriques à batterie et 14 500 hybrides rechargeables immatriculés en France en 2018 étaient insuffisants et il était essentiel, de leur  point de vue, que dès 2019, la mobilisation soit forte côté entreprises comme côté pouvoirs publics.
 
Fin 2019, dans les chiffres d’immatriculations, l’effet est peu sensible puisque, à fin décembre, les véhicules électriques pointaient à 42 800 (1,9% de part de marché) et les hybrides-rechargeables à 18 600 (0,81%) : les constructeurs ont attendu 2020 pour lancer leurs offres pour que leurs immatriculations de VE -qui vont compter double cette année puis être affectées en 2021 d’un coefficient de 1,67 et en 2022 de 1,33- les fassent effectivement sortir de la zone rouge dans laquelle la dé-diésélisation les a mis.
 
Au delà des "guerres de religion" qui continuent d’être livrées, en France comme ailleurs en Europe, pour ou contre l’électrique ou pour ou contre l’électrique à batterie (vs hydrogène), la question que chacun se pose en ce début janvier est celle de savoir si le changement de braquet attendu depuis si longtemps par les promoteurs du VE va être observé.
Rappelons que dans le contrat de filière signé lors du Comité stratégique de mai 2018, les objectifs ont été fixés à 100 000 VE pour 2020 et 135 000 en 2021 et à 75 000 VHR en 2020 et 115 000 en 2021. La marche est haute pour le VE (multiplication par 2,5 en un an) et très haute pour le VHR (multiplication par 5) mais elle n’est probablement pas inatteignable étant donnés les changements qui s’opèrent dès ce mois au niveau de l’offre. Rappelons en effet que les immatriculations de VE, en 2019 encore, sont assurées à 86% par sept modèles (Renault Zoé, Nissan Leaf, Smart Fortwo, Tesla Model 3, Hyundai Kona et Kia Niro). En 2020, selon Transport et Environnement, on devrait atteindre 33 modèles électriques à batterie et, surtout, les constructeurs qui les proposent auront un intérêt très fort à les vendre et à créer une appétence durable pour ces véhicules. 
 
En effet, comme on a pu le mesurer en Chine en 2019 et comme cela se dessine en France pour 2020 et plus encore pour 2021, les aides dont bénéficient les consommateurs pour acquérir ces véhicules ne seront pas durables et l’amortissement des efforts faits pour les développer sera conditionné par la capacité des constructeurs à trouver une "vraie" demande à des prix qui resteront élevés dans les deux à trois années à venir en tout cas. Le prix du baril qui s’était élevé à l’automne 2018 à 75$ est revenu aujourd’hui à 63$ et n’aide pas à trouver l’équation TCO optimale. Le fait que le mouvement des gilets jaunes ait privé le gouvernement de l’arme qu’aurait pu être la "Contribution climat énergie" complique l’affaire et, dans ce contexte, la division par deux du bonus accordé aux entreprises pour acquérir des VE fait courir à la filière le risque de peiner à atteindre les objectifs qu’elle s’est fixés. Pour prendre le cas de la Zoé, en 2019, sur les 18 818 véhicules écoulés en 2019, seuls 9664 l’ont été auprès des particuliers alors que les administrations en ont acheté 2042 et les entreprises 3385. On voit mal comment l’objectif de multiplier les ventes de VE par 2,5 pourra être atteint si la clientèle des entreprises devient plus difficile à convaincre.
 
Le BCG qui a présenté jeudi 2 janvier ses prévisions à 10 ans sur l’évolution du marché automobile considère, nous disent Les Echos, que "La montée en puissance des motorisations électriques et hybrides dans les ventes de voitures pourrait s'effectuer plus rapidement que prévu". Alors que, en 2017, il tablait sur une part de véhicules électrifiés dans les ventes mondiales de 25 % en 2025, et de près de 50 % en 2030, il estime désormais que l'électrique pourrait peser un tiers du marché dans 5 ans, et 51 % dans 10 ans (18% de VE à batteries et 33% de VH et VHR).
 
Pour l’expliquer, le cabinet évoque les politiques européennes et chinoises ainsi que les interdictions décidées par de nombreuses autorités locales dans le monde. Il calcule que le coût d'un pack de batterie passerait sous les 100 dollars par kWh à l'horizon 2030 alors qu’il valait 540 dollars en 2014 et considère que la baisse du TCO associée devrait, à elle seule, suffire à tirer le marché à partir de 2023.
 
De fait, les enjeux de la massification sont bien là : elle seule peut permettre que, dans 3 à 5 ans, les équations économiques encore fragiles aujourd’hui sans un effort conjoint des pouvoirs publics et des entreprises soient résolues. Reste à passer ce cap et à se mobiliser pour qu’il le soit : c’est ce que Mosquet et Pelata appellent le "momentum" où la clarté de la mobilisation collective lève les objections et convainc les constructeurs et consommateurs encore hésitants que l’on y est et que les équations économiques et commerciales que l’on manipulait jusqu’en 2019 ont changé de paramètres.

Le recul de l’Etat français qui semble avoir peur que sa politique marche trop bien et qui modifie en décembre les paramètres a, dans cette perspective, un caractère assez catastrophique. 

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