L’industrie automobile allemande : un compromis en péril
La chronique hébdomadaire de Bernard Jullien Ancien directeur du Gerpisa, maître de conférences en économie à l'Université de Bordeaux et conseiller scientifique de la Chaire de Management des Réseaux du Groupe Essca.
Bref, nous avons moins à perdre dans la crise car notre industrie automobile a déjà décliné très fortement ces 15 dernières années. En effet, alors que les groupes allemands se sont internationalisés, en Europe comme globalement, en préservant leurs bases domestiques, les groupes français ont très largement eu recours aux délocalisations dans l’UE et au delà (Turquie et Maroc).
"Les groupes multinationaux classés automobiles en France sont exportateurs nets de voitures particulières (solde de 2,9 milliards d’euros). Toutefois, les importations par ces groupes de voitures particulières sont élevées (10,1 milliards d’euros) en comparaison de leur production nationale (18,9 milliards d’euros). Ces importations par les groupes multinationaux classés automobiles en France représentent ainsi plus d’un tiers des importations totales de voitures particulières."
Ainsi, la baisse des volumes vendus en Europe attendue en 2020 pèsera moins sur les volumes produits en France que les décisions de délocalisation qui ont encore été prises concernant la 208 ou la Clio 5. Tel n’est pas le cas en Allemagne.
La même année, l’industrie française exportait pour 18,4 milliards de dollars de pièces dont 3 hors de l’UE (500 millions vers la Turquie et 379 vers la Chine) et pour 24 milliards de véhicules dont 2,8 hors de l’UE (190 millions vers la Chine et 204 millions vers les Etats-Unis).
Les risques commerciaux sur la Chine et les Etats–Unis concernent l’industrie allemande dont les exportations vers ces deux destinations pèsent 50 milliards de $ - soit presque l’équivalent de 80% du Chiffre d’Affaire mondial de Renault. Ils ne concernent pas l’industrie française.
Les voitures des marques allemandes sont très majoritairement assemblées en Allemagne, celle de marques françaises très partiellement.
Au delà de ces deux premières raisons qui concernent les sites industriels français et allemands, il y a les entreprises elles mêmes. Les équipementiers français et allemands se ressemblent en termes d’internationalisation mais il en va différemment des constructeurs. En effet, les concernant, les exportations allemandes vers la Chine et les Etats-Unis n’interviennent qu’en complément d’implantations importantes commercialement et industriellement dans ces pays qu’ils ont privilégiés dans leurs stratégies d’internationalisation. Dès lors leur exposition aux risques chinois et, dans une moindre mesure, américain est beaucoup plus forte que ne l’est celle des deux français quasi-absents de Chine et absents des Etats-Unis. A un moment où ils ont, comme tous les constructeurs, besoin d’investir massivement dans l’électrification, l’affaissement des résultats des constructeurs allemands associé aux millions de véhicules manquant par rapport aux prévisions est de ce fait beaucoup plus sensible que ceux des constructeurs français. Dans la mesure où les trois constructeurs ont donné aux analystes l’habitude de constater des résultats très flatteurs, justifier face à eux ces très lourdes dépenses au moment même où les résultats chutent est hautement problématique. Les plans de réduction d’effectifs sont là pour les rassurer. Ils risquent toutefois d’entamer le compromis social de l’automobile allemande qui a joué un rôle central dans son succès depuis au moins vingt ans.
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