CNPA - UTP : une alliance pour faire sortir les nouvelles mobilités de l’enfance

20 years of public policies on mobilities in a nutshell

Pendant des décennies, transports individuels et transports publics ont formé un couple irréconciliable, une indépassable opposition.
 
Les premiers se développaient spontanément, permettaient l’étalement urbain, mangeaient tout l’espace et généraient pollution et congestion.
On considérait alors –non sans raisons- qu’il fallait impérativement organiser le "transfert modal" en taxant la voiture, en rendant le stationnement difficile et couteux et en organisant la congestion. Inversement, le transport public méritait d’être massivement subventionné et d’être prioritaire dans l’allocation des dépenses d’investissement de l’Etat et des collectivités comme dans l’allocation de l’espace. A force d’acharnement, cette approche dichotomique a fini par engranger quelques succès dans les grandes métropoles où la voiture a effectivement reculé.
Toutefois, en raison de l’incapacité de ces politiques et des autres politiques publiques (foncières et d’aménagement) à contenir la croissance des prix du foncier urbain et/ou à faire coïncider la localisation des emplois et celle résidentielle, l’étalement urbain a continué, les besoins de mobilité ont cru, les transports publics n’ont pas pu les couvrir, le nombre de véhicules par ménage a continué de progresser et on se trouve aujourd’hui face à deux impasses.
 
La première concerne les transports publics et renvoie à une espèce de loi des rendements décroissants. Pour satisfaire les besoins liés à la périurbanisation de plus en plus lointaine, il faudrait couvrir des zones de moins en moins denses en étendant les lignes de bus, de tram ou de métro et en complétant les réseaux en étoile par des dessertes de banlieues à banlieues.
Les coûts d’investissement et de fonctionnement associés sont presqu’impossibles à couvrir pour les collectivités et entreprises de transport public : constatant les difficultés à rentabiliser ces lignes sans augmentations très significatives des tarifs des tickets et abonnements et/ou sans subventions, elles hésitent à prendre de telles initiatives. Elles ne peuvent alors que constater que, malgré tous les efforts faits, avec succès souvent, pour limiter la place de la voiture dans les centres urbains ou en première couronne, la congestion ne reflue pas puisque les voitures des éloignés sont toujours là.
 
La seconde concerne l’automobile. En effet, en milieu dense, la congestion implique que l’automobile rende de plus en plus mal son service de mobilité.
De surcroit, la croissance du parc associée à l’étalement urbain et à la multi-motorisation des ménages qu’il impose s’est faite sous des contraintes budgétaires très fortes pour les ménages concernés. Ils n’ont pu y faire face qu’en limitant drastiquement le coût de leurs automobiles.
Dès lors qu’ils ne peuvent limiter leurs dépenses automobiles en comprimant leurs dépenses en carburant et en assurance, les variables d’ajustement sont les coûts d’équipement et d’entretien-réparation : la croissance du parc s’est faite par un vieillissement très net de celui-ci, un équipement qui s’effectue majoritairement en véhicules d’occasion de plus en plus ancien, des temps de détention allongées et une limitation de plus en plus nette des dépenses d’entretien-réparation.
Les business de l’automobile tirent ainsi un profit de plus en plus limité d’une "auto-mobilité" qui reste ultra-dominante mais qui est très contrainte.
 
De tout cela, chercheurs, élus, gestionnaires des transports publics et professionnels de l’automobile ont conscience depuis longtemps et il en est résulté une forme de quête collective d’alternatives qui consistent presque toujours à sortir de l’approche dichotomique pour organiser une espèce d’hinterland entre transport individuel et transport public
Au fil des ans, trois mantras sont ainsi apparus au confluent de ces préoccupations : l’inter-modalité, l’auto-partage et le covoiturage.
Dans les trois cas, chacun des deux mondes reconnaît qu’il est dans l’impasse et que les préoccupations portées par l’autre monde sont légitimes.
De même, chacun reconnaît qu’il ne peut prétendre seul résoudre ses problématiques et gagnerait à s’allier. Sur le papier, cela paraît simple et cela fait maintenant dix années au moins que, autour des "nouvelles mobilités" une forme de consensus s’est dégagée. Pourtant, malgré quelques succès emblématiques comme celui de Blablacar dans le covoiturage longue distance, rendre effectives ces géniales formules est infiniment problématique : qu’elles soient portées par la puissance publique, les opérateurs de transport public, les associations, les constructeurs automobiles ou les start-ups, les "failure stories" sont beaucoup plus nombreuses que les "success stories".
Au delà de leur éventuel succès auprès de quelques pionniers militants qui vont permettre d’afficher une croissance impressionnante pendant un temps, les initiatives s’épuisent et statistiquement comme pratiquement, elles ne semblent pas parvenir à infléchir significativement les mobilités réelles.
 
Face au risque de découragement qui pourrait saisir les uns et les autres face à ce déprimant constat et conduire au découragement, on a vu se développer toutefois une autre attitude.
Elle consiste à accepter la difficulté et à tenter de tirer de ces multiples expériences peu convaincantes des leçons : plutôt que de jeter le bébé de la "bonne idée" avec l’eau du bain de la "mauvaise réalisation" (1), les acteurs vont alors se demander avec humilité comment s’y prendre mieux pour transformer l’essai.
Ils vont alors se rendre compte que, en voulant créer et occuper seuls ce fameux interland, ils ont été présomptueux et ont omis d’intégrer la complexité de ces questions de mobilité et les apports potentiels des autres composantes du système lorsqu’il s’agit de la cerner et de la traiter.
Ainsi, les acteurs de l’auto-partage ont volontiers été de nouveaux entrants qui n’ont cru nécessaire ni d’intégrer les loueurs ni d’intégrer les constructeurs ou les garagistes.
De même, certains grands acteurs du transport public ont cru qu’ils pouvaient développer des offres globales intermodales incluant le co-voiturage. Symétriquement, certaines start-ups du covoiturage ont pu rêver que leurs apps suffiraient à convaincre les ménages et qu’ils pourraient « disrupter » l’offre de transport sans s’intégrer à l’écosystème public et privé existant.
 
De tout cela, les acteurs du paysage français semblent être revenus et le partenariat  entre le CNPA et l’UTP (l'Union des transports publics et ferroviaires) annoncé la semaine dernière  -en partie issue des réflexions qui sont nées des Assises de la Mobilité- nous semble incarner cette ambitieuse modestie.
Les start-ups qui forment au sein du CNPA depuis mai l’Alliance des mobilités  présidée par Julien Honnart de Klaxit ne sont plus dans le "story telling" et les fracassantes annonces qui concernent le nombre d’inscrits sur leurs plateformes et/ou leurs fabuleuses croissances.
Ainsi, en commentant pour le JDN le rachat par sa société de IdVroom à la SNCF, J. Honnart indiquait :"Klaxit a cinq fois moins d'utilisateurs qu'iDVroom, mais nous générons cinquante fois plus de covoiturages".
Il mettait le doigt sur le cœur du problème qui concerne en 2019 encore les "nouvelles mobilité" en ajoutant : "IDVroom est une pépite qui n'a jamais pu éclore". 
A l’instar de ce que Klaxit fait dans les villes ou communautés de communes qui lui passent des marchés, le partenariat CNPA-UTP va chercher à rendre effectifs les changements promis dans un dialogue avec la puissance publique et les autres opérateurs de transport.
Comme l’écrivait Alliancy en commentant ses propos lors de la conférence de presse de présentation de l’Alliance : "Il marque ainsi sa volonté de dépasser le stade de l’idéation et de bouger concrètement les lignes de la mobilité". 
La LOM et l’obligation dans laquelle elle va mettre non seulement les grandes métropoles mais aussi tous les territoires de se doter d’Autorités Organisatrices des Mobilités vont appeler à un renouvellement très fort des doctrines et outils de l’action publique en ces matières. Il passera par la création d’écosystèmes publics privés qui ne pourront plus se réduire aux couples collectivités-entreprises de transport public mais devront inclure des start-ups comme celles de l’Alliance mais aussi des loueurs, des carrossiers, des garages ou des auto-écoles.
Le CNPA l’a compris et promu et n’entend pas passer son tour. C’est une bonne nouvelle.
 
(1) Lorsque nous, auteurs de l’ouvrage consacré à la Kwid, l’interrogions sur l’origine de l’idée de développer une telle voiture, Carlos Ghosn avait fait référence à la Nano de Tata et nous avait dit : "Une bonne idée mal réalisée devient une mauvaise idée".

La chronique de Bernard Jullien est aussi sur www.autoactu.com.

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