Le développement d’une entrée de gamme électrique impose quelques révisions déchirantes
Soumis par Géry Deffontaines, GERPISA le 7 oct. 2018 - 23:00
La chronique hébdomadaire de Bernard Jullien Ancien directeur du Gerpisa, maître de conférences en économie à l'Université de Bordeaux et conseiller scientifique de la Chaire de Management des Réseaux du Groupe Essca.
La semaine passée aura été marquée dans l’automobile par la présentation au Mondial de Paris de la K-ZE (à prononcer "kaïzi") par Carlos Ghosn lundi 1er et par le vote du Parlement Européen mercredi 3 de dispositions qui fixent un cap de réduction des émissions sur la période 2021-2030 à – 40% avec un jalon intermédiaire à – 20% en 2025 et définissent des quotas d’immatriculations de véhicules à faible émission (moins de 50gr de CO2 au km) de 20% puis de 35%.
Même si la messe n’est pas tout à fait dite au niveau de l’UE puisque les pourparlers tripartites avec la Commission et les Etats membres devront s’ouvriraprès que le Conseil se soit prononcé le 9, on s’achemine vers des exigences très fortes qui impliquent qu’Etats et constructeurs s’emploient à faire décoller l’électrique.
Dès lors, la question ne va plus être de savoir si l’on fait bien ou non mais comment on peut y parvenir sans trop de dégâts sur l’emploi et la compétitivité de l’industrie européenne.
Dès lors, la question ne va plus être de savoir si l’on fait bien ou non mais comment on peut y parvenir sans trop de dégâts sur l’emploi et la compétitivité de l’industrie européenne.
De ce point de vue, la K-ZE pour laquelle Renault vise un prix de vente client en Chine à 9 000 euros peut indiquer quelques pistes fructueuses. En effet, comme trop souvent dans l’automobile, l’électrique comme l’hybride rechargeable sont des innovations qui ont tendance à se développer d’abord sur des véhicules chers voire très chers pour ne progresser que lentement vers les modèles abordables.
Au Mondial, c’est ainsi dans le hall où sont réunis Tesla, Jaguar, Smart et Mercedes que l’abondance de véhicules électriques est la plus grande. PSA propose certes ses premiers hybrides rechargeables mais l’on reste au dessus des 40 000 euros. On peut douter dans ces conditions que le cap 2025 des – 20% puisse être tenu sans une offre qui inverse la démarche et permette, à l’instar de la K-ZE, de disposer de produits d’entrée de gamme susceptibles de faire sauter le pas à des clientèles beaucoup plus larges.
Au Mondial, c’est ainsi dans le hall où sont réunis Tesla, Jaguar, Smart et Mercedes que l’abondance de véhicules électriques est la plus grande. PSA propose certes ses premiers hybrides rechargeables mais l’on reste au dessus des 40 000 euros. On peut douter dans ces conditions que le cap 2025 des – 20% puisse être tenu sans une offre qui inverse la démarche et permette, à l’instar de la K-ZE, de disposer de produits d’entrée de gamme susceptibles de faire sauter le pas à des clientèles beaucoup plus larges.
Si l’on aborde ainsi la question, on se demandera à quels obstacles la commercialisation – voire la fabrication – d’une K-ZE en Europe se heurterait. La réponse est relativement évidente : normes, étoiles EuroNCap et consorts favorisent une offre de véhicules lourds et chers et ferment la fenêtre de tir pour venir offrir aux clients de l’UE des véhicules neufs – thermiques ou électriques – légers et peu chers à l’achat et à l’usage.
On se retrouve alors dans une situation paradoxale où ce sont des engins de plus de deux tonnes (1,6 tonne pour la Tesla Model 3 « de base ») que l’on électrifie en les dotant de batteries monstrueuses pour leur donner la capacité de parcourir 400 kms sans recharge s’ils sont tout électrique et 50 kms s’ils sont hybrides rechargeables.
A l’inverse la Kwid indienne pèse 660 kg et la Kwid brésilienne (Latin N Cap oblige) 840 kg. C’était à peu près le poids d’une Citroën AX commercialisée à la fin des années 80 et doter de tels engins de 250 kms d’autonomie est jouable avec une "petite" batterie.
On se retrouve alors dans une situation paradoxale où ce sont des engins de plus de deux tonnes (1,6 tonne pour la Tesla Model 3 « de base ») que l’on électrifie en les dotant de batteries monstrueuses pour leur donner la capacité de parcourir 400 kms sans recharge s’ils sont tout électrique et 50 kms s’ils sont hybrides rechargeables.
A l’inverse la Kwid indienne pèse 660 kg et la Kwid brésilienne (Latin N Cap oblige) 840 kg. C’était à peu près le poids d’une Citroën AX commercialisée à la fin des années 80 et doter de tels engins de 250 kms d’autonomie est jouable avec une "petite" batterie.
Outre Renault, Valeo milite également pour cette approche et Guillaume Devauchelle, son directeur de l'innovation, traduit cela en voyant l’avenir des véhicules électriques à batterie dans de petits véhicules électriques strictement urbainsqui "peuvent résoudre les problèmes de pollution de l'air dans les mégalopoles" et qui "pourront atteindre un prix de vente très bas, de l'ordre de 7.500 euros en Europe".
C’est là une manière d’indiquer que les normes aujourd’hui fixées pour des véhicules qui doivent tous être polyvalents constituent un carcan dont il pourrait être opportun de se libérer pour aborder le virage que l’on entend prendre.
Le débat avait déjà été évoqué il y a presque 15 ans à la sortie de la Logan lorsqu’il s’était avéré qu’elle ne recueillait pas toutes les étoiles EuroN Cap : à ceux qui reprochaient à Renault d’exposer les ménages modestes acheteurs à des dangers dont étaient préservés les plus riches de ses clients, les porteurs du projet avaient rétorqué que les clients concernés roulaient jusqu’alors dans des AX, des 309 ou des Clio 1 dépourvus de tout l’attirail dont la réglementation et la doctrine de la FIA ont obligé les constructeurs à doter leurs véhicules (1).
C’est là une manière d’indiquer que les normes aujourd’hui fixées pour des véhicules qui doivent tous être polyvalents constituent un carcan dont il pourrait être opportun de se libérer pour aborder le virage que l’on entend prendre.
Le débat avait déjà été évoqué il y a presque 15 ans à la sortie de la Logan lorsqu’il s’était avéré qu’elle ne recueillait pas toutes les étoiles EuroN Cap : à ceux qui reprochaient à Renault d’exposer les ménages modestes acheteurs à des dangers dont étaient préservés les plus riches de ses clients, les porteurs du projet avaient rétorqué que les clients concernés roulaient jusqu’alors dans des AX, des 309 ou des Clio 1 dépourvus de tout l’attirail dont la réglementation et la doctrine de la FIA ont obligé les constructeurs à doter leurs véhicules (1).
Ces arguments valent à nouveau et E. Macron a d’ailleurs souhaité que les constructeurs relaient l’effort fait à travers la Prime à la Conversion pour sortir les vieux diesels du parc.
Si l’on souhaite que le virage pris actuellement n’ait pas pour conséquence un renchérissement considérable des véhicules qui serait synonyme d’une accélération du vieillissement du parc qui produirait les effets inverses de ceux souhaités, il faut ouvrir le débat pour ouvrir des fenêtres d’opportunités aux industriels porteurs de solutions en entrée de gamme.
Le propos de G. Devauchelle semble suggérer la création d’une nouvelle catégorie de véhicule "strictement urbain". La réalité des mobilités en France indique que l’automobile est indispensable dans le monde rural et dans le monde péri-urbain et que, dans ce contexte, on s’équipe de véhicules anciens ou très anciens qui prennent bien rarement l’autoroute et se déplacent sur des voies où ils ne peuvent dépasser désormais le 80 km/h …
Dès lors que l’habitat individuel y domine et permet à la recharge de se faire à domicile et que le poste de dépense automobile largement dominant est le poste carburant, on voit clairement se dessiner une voie de développement de l’offre électrique alternative à celle que nous proposent Tesla ou Jaguar.
Si l’on souhaite que le virage pris actuellement n’ait pas pour conséquence un renchérissement considérable des véhicules qui serait synonyme d’une accélération du vieillissement du parc qui produirait les effets inverses de ceux souhaités, il faut ouvrir le débat pour ouvrir des fenêtres d’opportunités aux industriels porteurs de solutions en entrée de gamme.
Le propos de G. Devauchelle semble suggérer la création d’une nouvelle catégorie de véhicule "strictement urbain". La réalité des mobilités en France indique que l’automobile est indispensable dans le monde rural et dans le monde péri-urbain et que, dans ce contexte, on s’équipe de véhicules anciens ou très anciens qui prennent bien rarement l’autoroute et se déplacent sur des voies où ils ne peuvent dépasser désormais le 80 km/h …
Dès lors que l’habitat individuel y domine et permet à la recharge de se faire à domicile et que le poste de dépense automobile largement dominant est le poste carburant, on voit clairement se dessiner une voie de développement de l’offre électrique alternative à celle que nous proposent Tesla ou Jaguar.
Aux industriels, aux politiques et aux citoyens d’aborder le virage qui se précise dans des conditions telles que les innovations les plus utiles socialement puissent être portées par nos ingénieries et nos usines au profit des populations qui en ont le plus besoin.
(1) Voir notre ouvrage : Jullien B., Lung Y., Midler C., L’Epopée Logan, Dunod, 2012.
La chronique de Bernard Jullien est aussi sur www.autoactu.com.
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