Au troisième trimestre 2016, PSA et Renault ont vendu en Europe presque le même nombre de VP et de VUL : PSA a assuré avec ses trois marques 368 000 immatriculations et Renault (avec Dacia) 377 000. Sur 9 mois, PSA a encore l’avantage en Europe puisque le groupe Renault est à 1 346 000 et PSA à 1 424 000. Dans la mesure où les lancements des 3008, 5008, Expert, Jumpy et C3 chez Peugeot et Citroën interviennent en fin d’année ou début 2017, PSA nourrit l’espoir que le trimestre en cours sera plus porteur. Il n’en reste pas moins que, en Europe, la trajectoire de Renault est bien plus flatteuse et que, à l’international, le contraste est encore plus saisissant.
En effet, sur le troisième trimestre, le marché européen a progressé de 5,3%. Le Groupe Renault a fait beaucoup mieux (+11,3%) alors que PSA a baissé de 4,3%. Sur 9 mois, de la même manière, alors que le marché européen a progressé de 8,8%, la marque Renault progresse de 13,7% et Dacia de 12,7% alors que Peugeot progresse de 5,5%, Citroën de 3,2% et que DS baisse de plus de 7% : toutes les marques de PSA perdent des parts de marché alors que Renault en gagne et Dacia également. H
Hors d’Europe, sur les 9 premiers mois de 2015, Renault et PSA avaient réalisé des volumes proches puisque PSA avait écoulé 794 000 véhicules (dont 519 000 en Chine) et Renault 818 000. En 2016, de janvier à septembre, Renault a progressé de 125 000 unités (15,3%) et atteint 943 000 ventes, PSA de 7 000 (0,9%) en réintégrant les 105 000 Peugeot 206 et 405 iraniennes qui compensent les presque 100 000 ventes perdues en Chine. On savait les situations des deux groupes très dissemblables, l’année 2016 le confirme très largement et montre que les deux piliers de la stratégie de PSA que sont la Chine et la montée en gamme permettent certes de dégager une profitabilité plutôt flatteuse mais obligent pour l’instant et peut-être pour longtemps le groupe à laisser se creuser le fossé des volumes.
Si l’on s’intéresse en effet aux volumes par modèles de Renault sur les 9 premiers mois des années 2015 et 2016 dans le monde, il ressort que le poids de l’Entry - et désormais du "sub-entry" représenté par la Kwid - est toujours plus déterminant : la progression de 14,3% des ventes de Samsung, Dacia et Renault (Avtovaz n’étant pas - rappelons le - consolidé dans les comptes de Renault) correspond à une croissance de 17,5% des ventes des modèles "low cost" et de 12,2% des autres modèles.
Sur les ventes totales du groupe, l’Entry pèse ainsi pour plus de 40% des volumes – et devraient atteindre en année pleine 1,25 million dont 583 000 Dacia et 668 000 à la marque Renault- et ce malgré des ventes au Brésil et en Russie en baisse de respectivement 19% et 7,4%. Au delà des volumes, cette faculté à proposer dans les émergents des produits adaptés a été pour Renault un vecteur d’inter-continentalisation que n’a pas PSA. Il en résulte que, hors d’Europe, PSA est très dépendant d’un marché chinois qui – comme Renault est en train de le découvrir – n’est plus un marché aussi facile qu’il ne l’était il y a encore 4 ou 5 ans : les volumes n’y croissent plus au même rythme, les parts de marché des constructeurs chinois progressent et les surcapacités installées vont finir par peser sur les prix et la profitabilité.
C’est doublement problématique pour PSA : l’essentiel de ses volumes hors d’Europe sont en Chine et – surtout – la Chine est le seul émergent qui, pour l’instant, a pu être traité sans réellement développer de politiques produits dédiées. Or, sur les marchés où PSA a l’ambition de progresser comme ceux africains, iraniens ou sud-américains, Renault semble montrer qu’il est bien peu opportun de se contenter des gammes classiques conçues en Europe pour des européens et simplement adaptées (ou "décontentées") pour atteindre les cibles de prix qu’il faut se donner pour essayer d’être dans ces marchés. A vouloir faire monter en gamme Peugeot, positionner plus haut encore DS et faute d’avoir clairement pu ou su mettre Citroën en dessous pour préférer se lancer dans une énième rationalisation sémantique des positionnements respectifs des gammes Peugeot et Citroën, PSA continue de laisser ses gammes se cannibaliser en Europe et ne profite pas à plein de la croissance du marché quand elle est là.
Le groupe se prive surtout des produits dont il aurait besoin pour s’internationaliser enfin. Ce que chacun a compris depuis plus de 10 ans avec Logan chez Renault, et que même les Nissan ont admis lorsqu’ils ont tenté avec Datsun de réutiliser de vieilles plateformes pour construire des offres qu’ils espéraient adaptées à la Russie ou à l’Inde, est qu’on a peu de chances d’être dans ces marchés et d’y être profitable en concevant ses produits sur des plateformes existantes.
Le couple 301/C-Elysée a assuré à PSA un peu plus de 50 000 ventes au troisième trimestre. C’est beaucoup mieux que la gamme DS qui a à peine dépassé les 15 000. C’est 6 fois moins que ce que Renault réalise avec ses Logan, Sandero, Duster et Kwid et l’on ne peut même pas arguer que ces gammes sont synonymes de renoncement à la profitabilité. Carlos Tavares sait pertinemment ce qu’il en est et feint d’être moins intéressé par les volumes que par la profitabilité.
Si on peut à la limite le suivre sur ce terrain pour l’Europe où l’abaissement du point mort était effectivement cohérent avec une quête de montée en gamme de Peugeot sans descente en gamme de Citroën, il aura plus de mal à nous convaincre que, en Iran, au Maroc, en Algérie ou en Amérique du Sud, son groupe pourra se passer d’une vraie politique produit dédiée. PSA ne peut effectivement courir tous les lièvres à la fois et il n’y a pas de stratégie sans arbitrages. Les chiffres des trois premiers trimestres 2016 interrogent le privilège de long terme accordé à DS qui absorbe les ressources dont PSA aurait besoin pour assumer ses ambitions hors d’Europe et hors de Chine.