2016 : nouveau départ de l’électrique ?

Il était une foi...
Il y a 6 ans, lors du Mondial 2010, on était encore avant le lancement de Zoé et, dans le prolongement du Grenelle, chez Renault et bien au delà, la conviction que le VE serait à même de faire rapidement une vraie percée commerciale était largement répandue, en France en particulier. L’Etat était très présent auprès des industriels et les collectivités ne voulaient pas être en reste. Ce que Axel Villaréal a appelé la "bulle électrique" était en train de gonfler et il paraissait difficile de résister à l’envolée sans se faire ringardiser et apparaître comme une espèce automobile de Kodak, défenseur impuissant de l’argentique face au numérique.
 
Depuis, chacun le sait, la bulle a éclaté avec l’explosion du marché chinois et la reprise américaine qui ont – gaz de schiste aidant – redonné toute leur place aux véhicules les plus gros et les plus polluants et maintenu les motorisations alternatives dans une position très marginale. En 2016, le lancement par GM de la Chevrolet Bolt, la vigueur des ventes de VE en Chine et, en Europe, les conséquences tirées par VW comme par ses challengers du "Dieselgate" recréent d’évidence un enthousiasme pro VE. Il conduit naturellement à s’interroger sur les chances de voir se nouer dans les dix années à venir les conditions du décollage qui n’a pas eu lieu à ce jour.
 
Du côté des arguments défavorables à l’idée que ce nouveau départ pourrait être le bon, il y a bien sûr la question de l’autonomie. Sur ce dossier, l’idée selon laquelle les volumes amèneront immanquablement à la fois la baisse des coûts et l’amélioration des performances requises semble un peu courte. Même les plus optimistes indiquent ainsi que si le cap des 200$ du kwh pourra être atteint rapidement, celui des 100$ peut difficilement être envisagé avant 2025. Pour d’autres, comme Christophe Pillot, directeur du consultant Avicenne, spécialisé dans les batteries, il faut être plus prudent encore et : "Atteindre 200 à 250 euros le kilowattheure [contre un peu moins de 450 euros aujourd’hui,] d’ici à dix ans sera vraiment le mieux que l’industrie pourra faire". 
 
Ceci signifie qu’une batterie de 100 kwh dont on a besoin pour assurer une autonomie proche de celle des véhicules thermiques (la nouvelle Leaf propose 30 kwh pour 250 km) continuera de valoir dans 10 ans entre 20 et 25 000 euros. Si, comme cela reste le cas aujourd’hui, les caractéristiques des batteries continuent de se dégrader lorsqu’on les utilise et ce d’autant plus qu’elles font l’objet de recharges rapides, alors la perte de valeur des véhicules restera un vrai problème qui interdira d’envisager qu’un temps très long d’utilisation des dites batteries ne permette d’en amortir le coût. Ce serait plutôt l’inverse : il faudrait, à mi-vie des véhicules, changer leurs batteries …
 
Bref, le verrou technologique n’est pas levé et même si l’autonomie va progresser lentement, l’offre commerciale de VE accessibles (entre 20 et 30 000 euros) devra rester une offre de véhicules qui parviendra sans doute rapidement à proposer les fameux 300 kms d’autonomie dont semblent avoir besoin les clientèles pour sauter le pas mais qui ne pourra pas raisonnablement offrir l’équivalent de ce qu’offrent aujourd’hui les véhicules essence ou diesel. La question de la faculté de véhicules plus légers, moins polyvalents et dédiés à des usages quotidiens de s’imposer reste donc entière : les termes du débat de 2010 n’ont pas radicalement changé en 6 ans.
 
Pourtant, on assiste indéniablement à un réinvestissement assez massif du champ du véhicule tout électrique : là où Renault-Nissan pouvait paraître un peu esseulé il y a seulement deux ans, les annonces de GM, VW et PSA indiquent très clairement que les choses changent très rapidement. Comme le soulignait Carlos Ghosn au sujet de la Chine, ce mouvement est directement lié au fait que le marché du véhicule électrique est très étroitement dépendant des politiques publiques et, singulièrement, des limites fixées en matière d’émission et de circulation. 
 
C’est d’évidence le cas en Chine où le décollage ne doit rien à l’appétence des consommateurs chinois pour les véhicules propres et tout au droit que donnent les véhicules électriques d’échapper aux restrictions mises à Pékin ou à Shanghai à l’équipement en véhicule : celui qui, à Pékin, acquiert un VE pour échapper à la loterie qui permet de disposer d’une plaque et de pouvoir enfin s’équiper n’acquiert ce droit que pour circuler en VE et devra quelques années plus tard racheter un VE. La même chose risque de devenir vrai en Europe dans des villes comme Paris et c’est également ce qui est en train de se dessiner en Allemagne. Le lobby automobile pourrait bien dans cette affaire être en train de changer radicalement d’attitude et devenir demandeur de telles restrictions plutôt que de tout faire pour qu’elles soient bloquées : comme le rapporte Forbes le 15 septembre,  le ministre des transports Alexander Dobrindt, réputé proche de l’industrie automobile, a, début septembre, surpris tous les observateurs en se déclarantfavorable à l’interdiction du Diesel en ville;   l’industrie automobile et VW singulièrement y ont désormais intérêt.
 
Si particules et NOx bloquent désormais le Diesel comme cela semble se dessiner – pour de bonnes ou de mauvaises raisons -, alors l’atteinte des objectifs fixés aux Etats-Unis comme en Europe en matière de CO2 oblige les constructeurs à développer des offres électriques et à s’assurer pour elles les débouchés qui justifieront l’investissement et permettront que les moyennes d’émission des véhicules immatriculés par les uns et les autres soient dans les clous. 

Décidément, même si les verrous technologiques restent à lever, les planètes qui peuplent le ciel et définissent l’horizon électrique sont bien mieux alignées en 2016 qu’elles ne l’étaient en 2010. 

La chronique de Bernard Jullien est aussi sur www.autoactu.com.

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