L’arrivée tardive de Renault en Chine : un handicap surmontable
De ce point de vue, Renault a beau se présenter en Chine avec un SUV qui n’a pas été développé spécifiquement pour le marché chinois et dont la fabrication profite d’une grand commonalité avec son grand frère Qashqai, le risque est non négligeable. En effet, en 2015, le segment des SUV a certes cru de 50 % pour atteindre 6,2 millions mais il est dominé par les produits de Great Wall et Changan : dans le top 15 des ventes, on trouve le VW Tiguan (en deuxième position avec 255 000 ventes), le Nissan X Trail (166 000), la Ford Kuga, les deux Honda (CR-V et Vezel) et la Buick Envision, mais ceci signifie que 9 des 15 premières places sont occupées par des véhicules locaux. Le Qashqai pointe à la 38ème place avec 60 000 ventes, un peu en dessous de la 3008 (67 500 ventes) et un peu au dessus de la 2008 (49 230 ventes) : c’est dire que réaliser en 2016 le plan prévu pour Kadjar ne sera pas une partie de plaisir. Le complément apporté ensuite par un SUV plus gros de type X-Trail devrait s’avérer utile.
Pourtant, on peut être relativement optimiste car le marché chinois est un marché où la loyauté aux marques est faible et où les marques sont extrêmement nombreuses. Il en est résulté ces dernières années pour des marques comme Peugeot, Ford ou Haval (de Great Wall) une capacité à connaître des développements très rapides. Renault compte sur ce phénomène et la sinisation du Kadjar semble plutôt réussie. En cas de réussite commerciale moindre que prévue, le montant raisonnable de l’investissement initial rendra l’échec surmontable. L’usine a pour l’instant une capacité de 150 000 véhicules et elle n’est pas semble-t-il destinée à être toute entière dédiée à la fabrication de Kadjar.
Ainsi si les ambitions affichées sont fortes, l’investissement est raisonnable et il ne s’agit pas pour Renault aujourd’hui de "mettre tous ses œufs dans le panier chinois". Comme on le sait, le Yalta ghosnien avait jusqu’à maintenant réservé la Chine à Nissan et conduit Renault à s’intercontinentaliser en privilégiant d’autres pays ou régions. Même si les marchés concernés sont aujourd’hui minés par la baisse des cours du pétrole et des matières premières, l’avantage retiré de cette stratégie au Brésil, en Russie, en Algérie, en Turquie ou en Inde est considérable et ne pas l’entretenir pour succomber aux sirènes chinoises serait suicidaire. Il est même possible que – comme l’a suggéré Carlos Ghosn au sujet du véhicule électrique – Renault puisse surmonter une part de son handicap chinois en utilisant en Chine les actifs et apprentissages accumulés depuis plus de 10 ans dans les autres émergents.
En effet ce qu’exigent à la fois le marché et les autorités chinoises aujourd’hui est une forme de sinisation des politiques produits qui permet d’offrir – comme c’est le cas sur les marchés des SUV et des MPV pour les produits de marques chinoises – dans les villes de rang 3 ou 4 des produits de qualité moins chers adaptés aux pouvoirs d’achat et aux conditions d’utilisation locales. C’est ce qu’a réussi GM avec les gammes Wuling et Baojun et que VW a toutes les peines du monde à faire sur le marché des sedans autrement qu’en rentrant en guerre des prix avec sa Santana pour essayer de contrer le succès de produits comme la Geely EC7. En annonçant qu’il allait falloir s’atteler en Chine à un chantier VE low cost, Carlos Ghosn indique que, ainsi qu’on le pressentait, les négociations pour permettre à Renault de prendre pied en Chine ont probablement impliqué de prendre auprès des autorités ce type d’engagement. Il indique aussi que, fort des succès de l’entry et de celui qui se dessine aujourd’hui en Inde avec la Kwid, Renault peut apporter à l’Alliance en Chine un avantage comparatif qui risque de se révéler très discriminant dans les années à venir.
Jusqu’ici, les grands constructeurs mondiaux sont venus – comme Renault le fait avec Kadjar – assembler en Chine des produits conçus aux Etats-Unis, au Japon, en Corée ou en Europe en demandant à leurs équipementiers de les suivre quand ils ne les avaient pas précédés. Aujourd’hui, de manière générale et dans le domaine du véhicule électrique en particulier, la Chine exige un traitement spécifique et a, plus que toute autre nation, les moyens de l’imposer. De cette exigence fonctionnelle ou politique, le groupe Renault est familier et a, ces quinze dernières années, montré qu’il pouvait non seulement s’en accommoder mais y puiser un puissant élan innovatif. Dès lors que Renault n’a pas eu le temps de prendre en Chine les mauvaises habitudes que les autres grands constructeurs mondiaux ont pris, son arrivée tardive, couplée à cette perspective, pourrait devenir un avantage compétitif.
La chronique de Bernard Jullien est aussi sur www.autoactu.com.
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