Les débats macro économiques et le sort de l’automobile
La chronique hébdomadaire de Bernard Jullien directeur du Gerpisa.
Le G20 débattait ce week-end de l’opportunité d’assainir les finances publiques dès aujourd’hui quitte à casser le début de reprise qui s’était fait jour et/ou de continuer de laisser les déficits se creuser et les dettes publiques s’alourdir pour permettre ensuite que la croissance en facilite la résorption. Toute macro-économique qu’elle soit, la question concerne directement l’automobile européenne dont la demande n’a résisté en 2009 qu’à travers des programmes de prime à la casse et qui a, plus structurellement, besoin pour faire sa transition écologique d’importants soutiens publics qui sont susceptibles, durant quelques années, d’en faire une source de dépenses plutôt que de recettes. Plus immédiatement, à travers les retraites, les salaires des fonctionnaires et les probables augmentations d’impôts directs ou indirects, ce sont bien sûr les immatriculations et la structure des "mix" qui se jouent.
Sujet d’inquiétude en France ou en Allemagne, la question prend une acuité particulière lorsqu’on se déporte à l’Est de l’Europe et singulièrement en Roumanie où sont fabriqués, comme on le sait, les trois modèles de la gamme "entry" de Renault-Dacia dont le succès en Europe Occidentale est un fait majeur de l’année en cours. Ce succès fait du site Dacia de Pitesti une espèce d’îlot de prospérité dans une économie qui va fort mal et qui, comme les autres et même plus que les autres, doit donner aux marchés et au FMI des signes de rigueur pour se prémunir contre la dégradation de la note octroyée à sa dette et préserver ses chances d’être demain non seulement membre de l’Union mais aussi de la zone euro.
Dans un contexte où la béquille de l’endettement privé à la croissance de la consommation s’était déjà effondrée en 2008 et avait déjà conduit en 2009 à une baisse des immatriculations de voitures particulières de presque 60%, la dynamique à l’œuvre ressemble à une descente aux enfers qui verra 2010, malgré un programme de primes à la casse "cessibles", confirmer largement la tendance 2009. Ceci revient à proposer à la population roumaine de se serrer la ceinture et de renoncer à une partie des maigres protections sociales dont ils bénéficiaient pour qu’une partie d’entre eux travaillent pour l’exportation et permettent que, dans quelques années, sa soif de développement et de consommation soit satisfaite.
La Roumanie est un pays où avaient été immatriculées en 2007, 315 000 VP ce qui avait représenté plus d’un quart du marché total des 10 nouveaux Etats Membres de l’UE. Avec une population de plus de 20 millions d’habitants et un parc automobile très ancien d’environ 4 millions de véhicules, ceci correspond à des ratios qui sont en termes d’immatriculations plus de deux fois plus faibles à ce que l’on constate en France alors que la densité automobile est deux fois et demi plus faible. Le potentiel est donc là et c’est la solvabilité de la demande qui fait défaut.
Le modèle d’intégration européenne qui s’est développé pour les nouveaux états membres ne résolvait pas le problème avant la crise et laissait le potentiel de croissance qu’ils représentaient largement en jachère. La crise telle qu’elle est actuellement gérée dans l’UE ne résout pas le problème mais l’accentue. Il fait de la construction européenne la cause de sacrifices insupportables pour les populations des pays les plus pauvres alors qu’elle se présente comme un espace plutôt hostile de mise en concurrence des sites pour les salariés des pays à hauts salaires.
Paradoxalement, chez les constructeurs, les constats du type de ceux que nous venons de faire pour la Roumanie donnent lieu, lorsqu’ils concernent la Chine, l’Inde ou l’Amérique Latine à d’enthousiastes envolées sur les perspectives de croissance mondiale des marchés et des productions. Ghosn a ainsi évoqué le 16 juin un parc mondial qui passerait de 800 000 véhicules aujourd’hui à 1,2 milliards dans 10 ans puis à 3 milliards en 2050 et a justifié cette projection par les évolutions démographiques d’une part et la faiblesse des taux d’équipement d’autre part. Il a simplement omis de souligner que pour qu’émergent des marchés, il faut que la demande latente devienne patente et qu’il est nécessaire pour cela que les revenus qui solvabilisent la demande soient distribués et répartis.
Derrière les grèves en Chine, la politique économique de Lula au Brésil, les protestations des populations grecques ou roumaines contre les plans gouvernementaux d’assainissement ou les manifestations françaises contre les réformes des retraites, c’est sous des formes diverses cette question qui est posée. Ni la fuite vers les émergents, ni la quête de délocalisation vers les pays à bas coûts n’offrent de recours durables aux constructeurs qui voudraient y échapper : leur sort est lié comme producteurs et comme vendeurs à ces dynamiques et à ces débats.
Ils y incarnent à leur manière la schizophrénie qui consiste à vouloir absolument comprimer ses coûts et préserver sa compétitivité pour laisser d’autres se charger de vous offrir des débouchés.
Leur demander de prendre le risque d’être exemplaires en cherchant seul à y mettre un terme serait évidemment à la fois irréaliste et stupide. Demander aux politiques de constater l’impasse et d’implémenter d’autres dynamiques est une exigence plus légitime à laquelle les constructeurs gagneraient à s’associer plutôt qu’à s’opposer s’ils souhaitent que les émergents tiennent leurs promesses et que la déprime des marchés mûrs cesse.
La chronique de Bernard Jullien est aussi sur www.autoactu.com.
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