Renault-PSA : l’un est intercontinentalisé, l’autre pas

Renault dans le rouge en France. Mais ailleurs?

Les résultats commerciaux des deux français ont été publiés la semaine dernière et, derrière l’homologie de façade que représentent la proximité des volumes (3,75 millions pour Renault et 3,48 millions pour PSA) et leurs baisses (- 3,4% pour Renault et -10% pour PSA), les chiffres viennent souligner les profondes différences des deux constructeurs.

Ainsi, vu de France, on aurait volontiers l’impression que PSA est en train de surpasser Renault. Sur la plupart des segments sauf le B en effet, les produits Renault sont à la peine face aux produits Peugeot et les seconds donnent à l’évidence à PSA un "pricing power" que Renault peine à conquérir. Les résultats financiers correspondant aux résultats commerciaux publiés la semaine dernière risquent de le confirmer en février. 
Le symbole de cette opposition est le segment des SUV du segment C où les ventes de Kadjar ont en France été en deçà de 40 000 unités en 2019 alors que Peugeot a vendu plus de 70 000 unités de 3008 et Citroën presque 35 000 C5 Aircross. Mondialement, on retrouve ces différences. Renault a vendu 125 300 Kadjar et PSA 242 332 Peugeot 3008 et 122 123 C5 Aircross en 2019.
 
Pourtant le groupe Renault s’en tire in fine plutôt mieux que PSA et ne perdrait que 29 000 ventes si il ne lui avait pas fallu renoncer à ses 101 347 ventes en Iran. PSA voit ses ventes baisser de presque 390 000 dont 144 000 seulement sont liées à Iran Khodro. Si tel est le cas, c’est parce que PSA fait 87% de ses ventes dans ses quatre marques en Europe alors que Renault ne dépend de l’Europe que pour moins de 52% de ses volumes.
 
PSA et ses quatre marques ont un positionnement et des politiques produits très européens et très proches. Renault gère un portefeuille de marques et de modèles beaucoup plus hétérogènes et aptes à lui donner à l’international des armes dont PSA est dépourvu. Ainsi, même en Chine, Renault fait en 2019 mieux que PSA puisque PSA perd 145 000 ventes et se retrouve à 117 000 immatriculations alors que Renault  n’en perd que 37 000  et revendique 179 500 véhicules vendus. Ceci ne correspond pas il est vrai au succès des produits Renault (22 000 ventes) mais aux ventes d’utilitaires Jinbei mais c’est emblématique de la différence entre les deux groupes : le groupe Renault ne se réduit pas à la marque Renault et les autres marques du groupe sont très différentes de la marque phare.
 
Samsung, Lada, Dacia ou Jinbei proposent des produits qui ne ressemblent guère à des Clio ou des Mégane et le management n’a pas besoin de nommer tous les 5 ans des chargés de mission et/ou de payer des consultants en marketing pour les positionner les unes par rapport aux autres. De même, lorsqu’il s’agit de faire voyager la marque Renault hors d’Europe, le constructeur a appris à faire preuve de souplesse et d’adaptabilité et peut mettre dans son catalogue des produits différents : le fameux "univers" de la marque n’a pas de raison d’être le même selon que l’on soit au Brésil, en Inde ou en France.
 
Le cas de l’Amérique Latine est de ce point de vue exemplaire. Les ventes de Renault y ont baissé de 12 500 unités à cause de l’écroulement des ventes en Argentine (- 50 000) qui n’a pu être intégralement compensé par la croissance des ventes au Brésil, en Colombie et au Mexique. Elles sont passées de 437 000 à 424 500. Pour PSA, la baisse des ventes a été de 40 000 et celles ci se sont établies en 2019 à 135 700 véhicules. Le contraste est saisissant et renvoie au fait que le groupe ne peut proposer aux consommateurs brésiliens ou argentins que des véhicules Peugeot ou Citroën conçus en Europe pour des européens là où Renault commercialise depuis deux ans sa Kwid d’origine indienne qui a été largement "brasilianisée" et est désormais installée à la quatrième place du hit-parade des ventes brésiliennes derrière la Chevrolet Onix, la Ford Ka et la Hyundai HB20.
Renault a ainsi ravi à Ford la quatrième place sur le marché brésilien avec 9% de part de marché. PSA est à 1,8% avec deux marques qui doivent chacune gérer des réseaux et entretenir des portefeuilles de produits qui ont d’autant moins de raisons d’être sérieusement retravaillés pour coller au marché local que les volumes assurés par chacun sont faibles.
 
De ce point de vue, en dehors de la géniale initiative Logan de Schweitzer, du rachat de Dacia et de AvtoVaz, Renault a sans doute bénéficié du Yalta décrété par Carlos Ghosn qui l’a durablement privé de la possibilité de tenter l’aventure chinoise. En effet, le marché chinois a été au fond longtemps un marché assez facile où les constructeurs proposaient essentiellement des produits issus de leurs catalogues, les "sinisaient" a minima et parvenaient très souvent à les vendre bien et cher en les fabricant pour relativement peu cher. Parce que Renault n’a pas eu accès au plus grand et au plus facile des marchés émergents, c’est sur les trois autres BRIC qu’il a fallu que les équipes s’intéressent. Ceux-là avaient des exigences industrielles et commerciales propres beaucoup plus marquées et les ingénieries comme les commerçants de Renault ont du apprendre à s’y conformer.
 

Dans le futur ensemble PSA-FCA, on verra s’ajouter aux quatre marques de PSA, Fiat et Alfa Romeo qui sont aussi des marques principalement européennes et Dodge, RAM, Chrysler et Jeep. Les trois premières sont très américaines et Chrysler n’a pas su par le passé sortir avec succès des Etats-Unis et paraît souffrir par conséquent des mêmes carences que PSA. A l’inverse Jeep montre depuis plusieurs années que ses équipes savent faire voyager la marque et Fiat a su par le passé au Brésil en particulier faire ce travail. Fiat et Jeep pourraient ainsi apporter à PSA un peu de cette culture qui lui manque. Restera à investir dans des produits un peu moins américains ou européens pour pouvoir sortir dans les émergents d’une marginalité qui fait de PSA une des premières victimes des retournements : on le voit en Chine actuellement, ce sont les plus petits qui souffrent le plus. Grâce à Fiat et Jeep, PSA-FCA aura au moins, en dehors de la Chine, des positions fortes dans un émergent. C’est mieux que rien mais cela reste bien mince.

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