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Ce que l’on dit de l’automobile ailleurs : le cas du rapport Cohen
Submitted by Bernard Jullien, Université de Bordeaux on Mon, 11/30/2009 - 10:35
La chronique hébdomadaire de Bernard Jullien directeur du Gerpisa.
La crise actuelle et l’évocation des sorties de crise qui pourraient se profiler dans les mois à venir où, plus probablement, à l’échéance 2011 donnent lieu à une collection de travaux, rapports ou séminaires. Pour ce qui concerne l’automobile en France, il est frappant de noter que ces travaux se distribuent au fond en deux grandes catégories : on a d’un côté, dans le prolongement des Etats Généraux de janvier dernier, aujourd’hui prolongés par la structuration de la Plateforme Automobile, un grand brainstorming collectif sur les différentes dimensions de l’avenir de la filière ; on a, d’un autre côté, une réflexion plus globale sur le grand emprunt, la pertinence de la stratégie de Lisbonne ou les "nouveaux modèles de croissance" à promouvoir qui, systématiquement, traite de l’automobile et assigne aux activités impliquées une place et une structure nouvelles.
Le premier type de travaux- qu’on appellera "indigène" - a la vertu d’amener des acteurs qui se jouxtent sans se parler d’habitude à tenter de dégager, difficilement souvent, un consensus et des lignes d’action communes susceptibles d’être reprises par les politiques publiques. Il a par contre le défaut de laisser ces acteurs entre eux et de négliger par conséquent les éléments d’influence externes à l’automobile. A l’inverse, le second type de travaux – qu’on appellera "exotique" - pêche volontiers par une connaissance assez approximative des réalités technologiques, industrielles et commerciales de l’industrie. Il a par contre la vertu de "remettre l’automobile à sa place" dans les réalités économiques et sociales présentes et à venir. Pour les professionnels de l’automobile, ils constituent de très utiles indications sur la teneur des sauces auxquelles on entend les manger en fonction d’images du passé, du présent et de l’avenir de l’automobile souvent tout aussi défendables que celles que véhiculent les "indigènes".
Pour s’en convaincre, il suffit au lecteur de trouver trois ou quatre heures pour lire le "rapport Cohen" (http://www.strategie.gouv.fr/IMG/pdf/RapportCohenFinal19oct.pdf) publié le 19 octobre par le Centre d’analyse stratégique. Intitulé "Sortie de crise : vers l’émergence de nouveaux modèles de croissance", ce rapport avait été demandé avant l’été par N. Kosciusko-Morizet qui souhaitait que le lien soit établi entre les nouvelles valeurs et pratiques par lesquelles les français "s’écartent du modèle de l’hyperconsommation" - dit la lettre de saisine - et de nouveaux modèles de croissance.
Le rapport consacre son chapitre 4 en entier aux secteurs automobile et de la construction. Ledit chapitre est significativement intitulé "le déclassement accéléré d’une économie industrielle polluante et sa lente réinvention" et sert au fond de pivot au rapport tout entier. La thèse très (trop) rapidement résumée consiste à montrer que les éléments de nouvelle économie et de nouvelle croissance voient leur développement limité par le défaut de solvabilité des demandes émergentes qui y sont associées. Cette nouvelle croissance fondée sur de nouvelles valeurs à la fois plus défendables que celles qui sont aux fondements de l’hyperconsommation sur le plan éthique et plus porteuses d’avantages compétitifs pour les actifs détenus dans des économies à hauts salaires serait ainsi bloquée dans son émergence par ce problème structurel de débouchés.
La démonstration effectuée dans le chapitre suivant met en exergue le poids croissant de "la consommation contrainte". "Les dépenses contraintes, précise le rapport, renvoient à l’impossibilité de moduler ces dépenses à court terme parce qu’elles relèvent d’engagements contractuels ou à caractère obligatoires." Au sens strict, elles concernent le logement, les communications, les assurances et services financiers. Par extension, on peut y adjoindre les dépenses d’entretien des véhicules particuliers et le carburant car, lit-on encore, "si elles ne sont pas à proprement parler pré-engagées, elles sont ressenties comme peu arbitrables car elles s’imposent pour certains déplacements". Or, les dépenses contraintes en question ont vu leur poids croître depuis le début des années 80 dans des proportions qui les ont fait passer de 20% des dépenses des ménages en 1979 à 36% en 2006 et cette croissance a d’abord concerné les plus pauvres (elles passent de 24 à 48% des dépenses des 10% les plus pauvres), les plus jeunes (elles bondissent de 23 à 43% des dépenses des moins de 30 ans) et les familles monoparentales. Il se trouve, précise encore le rapport que, parmi celles, "arbitrables", qui restent figurent les dépenses alimentaires pour lesquelles les gains de productivité plafonnent et les cours des matières premières croissent.
Dans ce contexte, les achats plaisir (achat du "rêve automobile" par exemple) comme l’accès à de nouveaux services - comme les nouveaux "bouquets" de mobilité évoqués ces temps ci - sont largement limités. Ainsi, de même que les ventes de véhicules neufs se sont concentrées sur les ménages les plus riches et les plus vieux, le véhicule électrique ou les nouvelles formes de consommation et d’usage de l’automobile courent dans les années à venir le risque de ne s’adresser qu’à des minorités. Alors, comme la "nouvelle économie", cette "nouvelle automobile" verrait son potentiel de développement entravé si l’innovation ne se déployait que dans la perspective de l’exploration des "nouvelles valeurs" en négligeant la résolution de ces problèmes des dépenses contraintes qui sont aussi des dépenses automobiles. Bien évidemment, la résolution de ces questions n’incombe pas qu’à l’industrie ou aux prestataires de services automobiles dès lors qu’elle implique l’économie toute entière et la manière dont elle distribue le travail, les carrières, les revenus et les charges collectives. Il n’en reste pas moins que la double perspective de réinscription de l’automobile dans le paysage de la consommation que suggère l’exotique rapport Cohen gagnerait à trouver un écho dans les réflexions indigènes développées parallèlement.
La chronique de Bernard Jullien est aussi sur www.autoactu.com.
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