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Electrique : derrière la guerre des prévisions, la guerre des volontés
Submitted by Bernard Jullien, Université de Bordeaux on Mon, 09/21/2009 - 21:10
La chronique hébdomadaire de Bernard Jullien directeur du Gerpisa.
Les batailles qui s’ouvrent aujourd’hui autour de l’électrique sont multiples et multiformes. Elles concernent d’abord toute la chaîne des standards entre lesquels il va falloir arbitrer d’un bout à l’autre de la chaîne de valeur : pour les batteries, leur recharge, la facturation de celle-ci, leur implantation dans le véhicule et leur mode de connexion au moteur dans l’hypothèse des stations de rechange, on voit ainsi s’ouvrir des conflits techniques et d’intérêt. Ceux-ci impliquent non seulement les constructeurs entre eux mais aussi l’ensemble des autres parties prenantes et, en particulier, les fabricants de batterie, les producteurs et/ou distributeurs d’électricité, les intermédiaires dédiés (type PBP), les loueurs, les compagnies exploitant des parkings… Leurs résolutions seront partielles et locales et il y a fort à parier qu’elles dessineront pour l’électrique des paysages différenciés qui priveront les opérateurs de l’opportunité de développer en la matière des stratégies globales.
En amont de ces combats qui déchireront durablement le nouveau monde en voie de construction, le plus sévère des débats auquel on assiste en 2009 concernant l’électrique est celui des prévisions auxquelles chacun se livre pour fournir à la presse assoiffée de certitudes des taux de pénétration de l’électrique à horizon donné. Alors que chacun note, en écoutant les dirigeants de Renault, en parcourant les allées du salon de Francfort ou en se contentant de lire ce qu’en dit la presse, que le VE devient une préoccupation centrale de la plupart des constructeurs, chacun cherche à prendre la mesure du phénomène et à situer la date à laquelle il pourrait devenir significatif voire dominant. Face à une "révolution" mille fois annoncée et mille fois différée, la préoccupation est légitime et chacun a besoin de savoir si et quand les concepts cars et/ou les expérimentations portant sur quelques dizaines ou centaines de véhicules pourraient affecter réellement une industrie obsédée – pour d’assez bonnes raisons – par les volumes et produisant avant la crise quelques 70 millions de véhicules.
Le problème est que, pour répondre à cette légitime exigence de rigueur, chacun se laisse aller à des chiffrages nécessairement fantaisistes et néanmoins assénés avec une assurance déconcertante. Ils sont nécessairement fantaisistes car le faisceau d’hypothèses qui sous-tend chaque chiffrage est d’une complexité telle qu’elle les rend absolument incontrôlables. Ils sont assénés avec l’assurance que l’on constate parce que la demande de certitudes ne s’accommode ni des doutes ni des nuances d’une part; et parce que accréditer ces chiffres participe du jeu stratégique au terme duquel un scénario prévaudra contre un autre d’autre part. C’est évidemment ce dernier élément qui est le plus problématique et qui conduit en permanence à vouloir faire prendre de l’intox pour de l’info.
La logique est ici relativement simple au fond. Les sociologues disent dans de tels cas que les prophéties ont un caractère autoréalisateur : plus l’on croit le phénomène important et imminent et plus il le devient et, inversement, plus on le croit pour l’instant confidentiel et lent à s’imposer et plus il a de chances de l’être. Dans un tel contexte, quand Carlos Ghosn dit qu’au moins 10% des immatriculations concerneront des VE dans 10 ans alors que Philippe Varin penche plutôt pour 5% et que d’autres prétendent que 2,5% dans 15 ans est infiniment plus probable, personne ne peut évidemment en 2009 arbitrer scientifiquement entre eux mais chacun peut saisir les logiques stratégiques que portent les différentes prévisions.
Dans le scénario "optimiste", les investissements déjà réalisés comme ceux qui sont imminents sont légitimes et l’intérêt à épauler dans des délais très courts un opérateur industriel qui peut prétendre au leadership dans le domaine est clair. Symétriquement, ne pas le croire serait prendre des risques considérables de se voir évincer d’un domaine entier d’opportunités d’importance croissante. Dans le cas du scénario "prudent", l’inverse est vrai : tout investissement significatif ressort comme prématuré et/ou surdimensionné et il le sera effectivement si chacun pense que tel sera le cas. La répartition des investissements des entreprises comme des pouvoirs publics sur les portefeuilles de technologies se doit alors en 2009 de faire une place plus grande aux hybrides et aux progrès encore accessibles sur le thermique.
A ce point les choses paraissent strictement symétriques et le sont au fond. Il n’en reste pas moins que le second scénario, le plus prudent, a sur le premier l’avantage de se fonder sur l’existant et d’apparaître dès lors comme plus plausible. Les consommateurs formant leurs demandes sur la base de ce qu’ils connaissent et de ce que l’on leur raconte à longueur de publicité, de salons, d’essais de véhicules dans la presse spécialisées depuis des années, on ne peut en les écoutant que percevoir combien ils semblent attachés à des caractéristiques du véhicule comme la polyvalence ou l’autonomie pour lesquels les VE sont handicapés. Dès lors, pour les satisfaire, il faut générer des surcoûts dont l’ampleur fait peur et demander à la puissance publique et/ou au contribuable de faciliter la transition en aidant les acquéreurs et en développant les infrastructures peut sembler bien risqué : là où les tenants des prévisions optimistes parleront "d’amorcer la pompe", les pessimistes exhiberont entre le thermique et l’électrique un gap à ce point vertigineux qu’il fera apparaître le VE comme un puit sans fond à aides publiques.
Ceci signifie que les prévisions que l’on demande pour prendre des décisions raisonnables sont tellement dépendantes des scénarios que les uns et les autres veulent faire advenir qu’il faut sans doute accepter sinon d’y renoncer du moins de relativiser largement leur fiabilité. Dès lors, se demander ce que l’on veut doit être la première des questions dans un contexte où il s’agit de faire des paris pour un avenir dont on a toutes les raisons de penser qu’il verra ses contours s’expliquer par ce qui se décide aujourd’hui, ici et ailleurs.
La chronique de Bernard Jullien est aussi sur www.autoactu.com.
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