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PSA - Mister Auto : de la difficulté pour les constructeurs de revenir dans la course sur l’après-vente
Submitted by Bernard Jullien, Université de Bordeaux on Mon, 06/01/2015 - 05:00
La chronique hebdomadaire de Bernard Jullien directeur du Gerpisa et conseiller scientifique de la Chaire de Management des Réseaux du Groupe Essca.
Les équipes PSA ont entrepris depuis plusieurs mois maintenant de regarder en face les profondes difficultés dans lesquelles eux comme les autres constructeurs sont depuis des années en matière d’après-vente. Il est amusant de constater – lorsque l’on est âgé et pas encore complètement amnésique – que les arguments développés sont les mêmes que ceux que Ford développait il y a un peu plus de 15 ans lorsqu’avait été finalisé le rachat de Kwik-Fit, propriétaire entre autres à l’époque de l’enseigne Speedy : l’essentiel du parc circulant n’est pas entretenu ou réparé dans les réseaux de marque; la part des pièces qui servent à effectuer les interventions sur les véhicules lorsqu’ils fréquentent la réparation indépendante ne permet de récupérer qu’une petite part du business et oblige à faire sur les prix des efforts qui grèvent les marges.
Pour les constructeurs, l’après-vente n’est pas réellement "core-business" : il ne rentre dans leur chiffre d’affaires qu’indirectement, via la PR, et a ensuite un impact plus indirect sur la fidélité à la marque. Historiquement, ils avaient largement délégué sa gestion à leurs réseaux et, lorsqu’ils ont prétendu en régenter les process, ils ont souvent pu donner l’impression d’être dans la position de la poule qui a trouvé un couteau. Il y a quinze ou vingt ans le "benchmark" était ainsi la réparation rapide (1).
Aujourd’hui, ce sont les "pure players" de la vente de pièces via Internet. Entre temps, il y a eu les enseignes de la réparation indépendante – du type AD ou Precisium en France – qui ont été imitées par les Eurorepar, Motorcraft, Motaquip ou Motrio.
A chaque fois, le diagnostic est plutôt fondé car les chiffres sont ce qu’ils sont. Il consiste à constater d’abord que la manière de traiter la pièce et l’après-vente chez le constructeur et les règles fixées aux réseaux pour le faire ne permettent de traiter qu’une part, réduite et décroissante, du business.
Il consiste à observer ensuite que d’autres manières d’opérer et de se présenter au client permettent d’occuper le terrain laissé libre par les réseaux de marque et de construire à la fois une compétitivité prix et un "discours commercial" qui sont aux antipodes de ce que l’on a enjoint aux réseaux de faire et de dire.
Il consiste à s’avouer enfin que le gap qui s’est creusé entre les réseaux de marques et la part croissante des détenteurs des véhicules des marques qui sont âgés et ont été acquis en seconde ou troisième main est tel que la reconquête par les concessions ou agents est une entreprise bien difficile.
Le problème intervient en aval du diagnostic, lorsqu’il s’agit de trouver la parade. Face à l’abime qui sépare ce qu’ils font et font faire à leurs représentants et ce qu’attend le marché, le management des constructeurs semble alors pris de vertiges et c’est alors que les Diafoirus des cabinets de conseil identifient de nouveaux "Business Models" et convainquent le management des constructeurs qu’il est impérieux de les intégrer. Les entreprises qui les incarnent réussissent ou semblent réussir là où ils se savent en échec. Le management de ces entreprises nouvelles entrantes est persuadé comme celui des constructeurs que ce que les réseaux savent faire – c’est à dire essentiellement ce qu’au fil des ans il leur a été demandé de faire – n’est pas la bonne approche. Alors, plutôt que de rentrer avec leurs concessionnaires et agents dans un travail de refonte des pratiques et de la gouvernance de leurs relations, les constructeurs préfèrent se jeter dans les bras des détenteurs de la recette miracle et juxtaposer, à côté de - ou contre – leurs réseaux de nouvelles enseignes ou de nouveaux business.
L’épisode PSA-Mister Auto de la semaine dernière est une espèce de concentré de difficulté fondamentale d’un constructeur à gérer le dossier. Elle est au fond compréhensible car les constructeurs évoluent dans une culture de l’omniscience et de l’omnipotence. Sur ce dossier – comme sur celui du VO d’ailleurs -, cette prétention de tout savoir et maîtriser est mise à mal épisodiquement et le management des constructeurs se voit alors atteint par un traumatisme insupportable : il est pris à défaut et doit s’avouer qu’il ne savait pas alors qu’il feignait de tout comprendre. Ainsi, sur l’après-vente, il est patent que, depuis de longues années, les comportements des clients et le développement des "bonnes pratiques" lui échappaient alors même que, avec toute l’assurance dont il était capable, il prétendait l’inverse et imposait à ses réseaux des tarifs, des forfaits, des parcours clients, des collections de pièces, des équipements et des formations toujours plus contraignants. Plutôt que de se souvenir que les "remontées terrain", les remarques des groupements voire les expériences conduites par certains l’avaient alerté depuis des années et lui auraient peut-être permis, en doutant un peu plus, d’éviter que les courbes n’aient l’allure qu’elles ont, le "central" va alors troquer son credo d’hier contre un nouveau et prétendre sur ces bases "déployer" le dispositif qui l’incarne.
En l’occurrence, la "proposition" qui est faite aux RA1 de devenir prestataires de montage de pièces acquises par des clients sur Mister Auto, site Internet récemment acquis, alors même que les conditions et conséquences de la résiliation des contrats de distributeurs de PR laissent ouvertes toute une série de questions pour beaucoup d’affaires indique l’ampleur de ce problème de gouvernance. L’expérience accumulée au fil des ans sur ce dossier aurait dû amener les constructeurs à l’humilité et à structurer leur approche autour de quelques principes simples du type :
i) je sais que je ne sais pas bien cerner comment se comportent les clients en après-vente et comment il convient de les traiter ;
ii) je sais combien il est facile de se tromper lorsque l’on croit avoir trouvé la bonne manière de combler nos lacunes ;
iii) je sais combien il est difficile même quand une voie s’ouvre de savoir si elle est praticable par nous même et nos réseaux.
En développant ses méga-plateformes régionales de PR, PSA semblait vouloir offrir à ses réseaux des solutions de "back office" qui lui fournissent les armes nécessaires pour se défendre face aux clients et à la concurrence. C’était là une approche plutôt défendable. Elle avait le désavantage majeur de laisser béante la question des business models et des équilibres économiques des affaires destinées à perdre une activité dont la marge reste couramment deux à trois fois plus élevée que celle qu’ils dégagent sur le VO ou le VN. Elle avait l’avantage de laisser ouverte la question de savoir comment, sur leurs territoires, en fonction des parcs qui les caractérisent, de la densité de leurs réseaux d’agents, de leurs parts de marché en AV indépendante, les concessionnaires allaient pouvoir implémenter la logique souhaitée de reconquête. On pouvait sur ces bases se prendre à rêver que le constructeur ait enfin compris qu’il n’avait pas les moyens de fixer "en central" des règles et des process qui fonctionnent sur tous les territoires et pour toutes les cibles désormais visées.
A l’inverse, proposer de promouvoir une solution "à la mode" en front office en déstabilisant profondément tout le système dont sont solidaires les réseaux de marque sans avoir clarifié en quoi consisterait l’alternative ressemble davantage à un jeu d’apprenti sorcier. Ce que paraît alors attaquer PSA pour revenir dans la course est en effet bien plus que son réseau : il s’agit de la défense de la technicité, du système de formation, du service rendu par les réseaux en matière de fourniture de collections complètes de pièces à toutes les clientèles et de tout ce qui est au fondement de l’identité de la profession, bien au delà des réseaux de marques. Si on pouvait prétendre sans crainte de faillir que la voie ouverte par les "pure players" est la seule praticable et que ceux qui le refuseront seront dans la position de Kodak face à l’apparition du numérique, cette précipitation pourrait se comprendre. Tel n’est pas le cas et, étant donnée ce qu’a été l’histoire ancienne et récente de l’Après-Vente, les constructeurs moins que tout autre acteur ne peuvent prétendre détenir en la matière la clairvoyance nécessaire pour en juger.
La chronique de Bernard Jullien est aussi sur www.autoactu.com.
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