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Compte-rendu commenté sur la journée de travail du Gerpisa « Le véhicule électrique, réinvention du produit, révolution de l’industrie »
Introduction
Le Gerpisa organise depuis l’an passé des séances de travail dites « chercheurs-professionnels ». La prochaine sera la quatrième et se tiendra le 6 mars 2009 au ccfa sur le thème « Crise financière et crise de l’automobile ». Ce nouveau format a un double objectif : premièrement, il s’agit de diffuser mieux les résultats des recherches du réseau parmi les acteurs de l’industrie automobile et deuxièmement, les Gerpisiens souhaitent connaître à travers un débat nourri avec les professionnels, leurs points de vue sur nos recherches et leurs attentes par rapport aux sujets de recherche.
Les deux premiers séminaires ont vu les présentations des stratégies de Fiat et Volkswagen ainsi que des équipementiers automobiles mondiaux de la part, respectivement, de Giuseppe Volpato, Ulrich Jürgens et Vincent Frigant. Lors de la troisième séance, Christopher Midler, était invité avec Romain Baume, chercheur doctoral au sein de son équipe de la Chaire Management de l’Innovation du Centre de Recherche en Gestion (crg) de l’Ecole Polytechnique.
La séance a eu lieu dans les locaux du CCFA, 2 rue de Presbourg le 7 novembre 2008.
Le texte de base pour la discussion avait comme titre « De la compétition technologique à la réinvention de la mobilité individuelle pour un développement durable : les défis des stratégies de conception pour le véhicule électrique. Le cas Renault-Project Better Place ». Le texte (téléchargéable ci-dessous) avait été présenté en Juin au 16è colloque internationale du Gerpisa, qui pour la première fois s’était déroulé en dehors de France, à Moncalieri, près de Turin, avec le titre « Industrie automobile et développement durable : concepts, doctrines, politiques publiques et stratégies d’entreprises ». Comme le sujet le laissait supposer, dès sa première diffusion le séminaire a soulevé un grand intérêt parmi les chercheurs et professionnels et plus de cinquante personnes s’étaient inscrites. Nous avions inscrit des cadres de Renault, de psa, des membres du cnpa, des fournisseurs, des consultants indépendants, qui s’ajoutaient aux participants réguliers aux séances mensuelles de travail du Gerpisa, c’est-à-dire des chercheurs en économie, gestion, histoire, et sociologie.
La préparation de la séance s’est enrichie de l’inscription au séminaire de plusieurs acteurs de haut niveau : un des cadres de Renault en charge du dossier Renault - Project Better Place, le responsable des programmes véhicules hybrides et électriques de psa, l’ancien secrétaire général de Renault et des membres qualifiés des fédérations des distributeurs et équipementiers automobiles. Les organisateurs ont souhaité donner à ces acteurs qualifiés une place de commentateurs de la présentation pour ainsi enrichir les divers exposés.
[header=Le cadre du débat scientifique]
Le cadre du débat scientifique
La présentation a permis aux auteurs de restituer le contexte plus large dans lequel s’inscrit cette recherche sur le projet Véhicule Electrique Renault au sein du laboratoire du crg. Ce cas d’étude, qui a débuté en 2008, doit se poursuivre jusqu’en 2011 et il s’inscrit dans une série d’études sur les stratégies des constructeurs français pour gérer le défi de concevoir, produire et vendre des véhicules plus propres.
L’enjeu théorique de la recherche en cours est d’analyser dans quelle mesure les pratiquesNous avons bénéficié des premiers résultats de la recherche, et en conséquence le texte a donné une grande centralité aux questions scientifiques de fond qui motivaient un tel cas d’étude et sa spécificité par rapport à des essais historiques antérieurs, ensuite ont été présentés les modalités de la stratégie de Renault dans ce projet et leurs conditions de réussite de l’innovation managériale du développement durable peuvent servir pour changer l’organisation de la gestion de la r&d d’une entreprise automobile à travers la mise en place d’un projet autonome et concret qui cherche à sortir du sentier technologique dominant (celui du moteur à combustion interne) en intégrant tout le cycle de vie d’une innovation, de la conception jusqu’à la commercialisation. Cela s’inscrit dans la lignée des recherches que d’autres membres de notre réseau tels que Frank Aggeri et Blanche Segrestin les ont développées, mais plus structurellement cette recherche s’inscrit dans la droite ligne du « project management revolution » dans l’évolution des stratégies de gestion de l’industrie automobile que Christophe Midler est l’un des premiers à avoir étudié, avec d’autres Gerpisiens comme Takahiro Fujimoto.
Cette question est loin d’être purement scolastique car elle permet de mettre en perspective toutes les alternatives qui se présentaient à Renault quand l’entreprise a décidé d’investir dans ce projet. Cela induit une comparaison avec les choix faits par d’autres constructeurs de ne pas s’engager dans ce chemin de la voiture 100% électrique.
La question qui donne toute sa pertinence au cas Renault est la suivante : pourquoi Renault se lance dans le sentier de l’innovation radicale de la voiture électrique alors que les plus grandes entreprises du monde (Toyota, gm) et son concurrent principal en France (psa) ont choisi le chemin de la voiture hybride ? Une grande partie des commentaires ainsi que les questions et réponses des personnes présentes à la séance se sont déroulées autour de cette question principale et des limites de ce type de choix. La première partie du débat s’est centrée sur les aspects techniques du choix et la deuxième sur les aspects politiques et économiques de ce type de stratégie.
[header=Les conditions techniques et économiques de la réussite]
Les conditions techniques et économiques de la réussite
Sur l’aspect technique on a signalé d’emblée que General Motors, ainsi que psa, ont adopté une approche différente en raison
des limites persistantes de l’autonomie des batteries : l’absence actuelle de batteries qui pourraient permettre une autonomie
de conduite au-delà de 150 kilomètres est considérée comme la principale raison qui a conduit les autres producteurs à suivre
la voie choisie par Toyota. En France, psa poursuit actuellement cette stratégie et réserve ses projets de véhicules tout électriques à des niches tels que celle des flottes d’entreprise. L’alternative de la batterie de lithium, qui est la voie que Renault explore avec son fournisseur nec n’est pas apparue convaincante à son concurrent français tant en raison du manque de fournisseurs de ce type de batteries que des risques écologiques et politiques liés à la création d’une dépendance à l’égard du Lithium-ion, dont la Bolivie est le principal pays producteur. Mais, si on prend ce risque, la question fondamentale est de savoir quel sera le fabricant des batteries avec lequel on établira un partenariat qui puisse garantir un prix adéquat et une fourniture d’électricité stable, car d’une certaine façon le constructeur automobile lui transfère le risque de la création de la valeur. Dans le débat, il a été avancé qu’une solution pourrait être de prendre une participation chez le fabricant des batteries pour ainsi pouvoir garantir la pérennité d’une telle stratégie.
En tout état de cause, l’innovation technique que représenterait une batterie à autonomie accrue n’enlève en rien le problème de l’équation économique qui doit permettre la réussite commerciale du projet. D’un côté, il faut quantifier le coût pour le client d’une consommation croissante d’électricité pour recharger sa batterie ou l’échanger contre une batterie chargée à travers un réseau de points de rechange à bâtir. Il faut aussi s’assurer de la pérennité des aides fiscales de la part des acteurs publics. Ces deux questions ont mérité une attention particulière dans la présentation des cas des deux seuls pays qui ont adhéré au Projet Renault - Project Better Place, c’est-à-dire Israël et le Danemark.
Dans le cas d’Israël, la voiture électrique Renault bénéficiera dès son lancement en 2011 d’une réduction fiscale initiale de presque 70% par rapport aux autres véhicules, et l’horizon est de se maintenir à 30% une fois atteint par la nouvelle Renault les 20% de parts de marché. Dans les deux cas, les compagnies électriques sont les principaux partenaires du projet. Elles devraient pouvoir assurer la fourniture d’électricité dans les quantités requises pour un parc croissant de voitures
électriques, sans oublier que le coût ne sera pas le même si la recharge se fait lentement (c’est-à-dire chez le particulier) ou rapidement (chez le distributeur de batteries).
C’est sans doute ici que se trouve la question plus difficile à gérer pour le projet Renault au-delà de la normalisation des batteries qui est quelque chose qui n’est pas compliqué à faire et que le gouvernement britannique est en train de mettre en place. En conclusion, est-ce que cette formule est exportable ailleurs ? Est-elle soutenable si ces partenariats publics et privés venaient à manquer ou à changer ? Cette question semble pertinente quand on sait que l’alternative est la voiture hybride, qui n’implique pas de risques aussi importants.
Ainsi la discussion a vite prise une tournure interdisciplinaire et internationale, car dans sa recherche des conditions pour assurer la profitabilité d’une stratégie, tout modèle productif doit prendre en compte son environnement institutionnel socio-économique et politique, qui est désormais européen et international pour l’Alliance Renault-Nissan.
Les commentaires des participants sur cette deuxième partie du débat ont montré que le nouveau programme de recherche défini par le gerpisa à partir du colloque de Moncalieri pointe dans la bonne direction : l’introduction d’une dimension plus orientée vers le rôle des politiques publiques et de la politique n’est pas seulement pertinent dans les débats scientifiques du réseau, elle l’est aussi du point de vue des acteurs de l’industrie.
[header=Les facteurs politiques et institutionnels du projet]
Les facteurs politiques et institutionnels du projet
Dans ce sens, il est apparu logique qu’aux commentaires venant des ingénieurs suivent ceux des managers pour rappeler que le choix de Renault d’aller vers le 100% électrique se fait dans un contexte fondamentalement différent basé sur une stratégie politique porteuse de retombées économiques importantes. Il est en effet certain que le développement de cette voiture correspond à une prise de risque que refusent la plupart des autres constructeurs.
Pour se voir soutenu, cette politique d’entreprise doit convaincre que la soutenir permettrait aux Etats de gagner sur deux tableaux. Ils offriraient en effet d’abord aux entreprises et aux particuliers des moyens de réduire leurs factures énergétiques. Ils progresseraient ensuite dans la résolution de problèmes publics d’importance comme celui de la balance commerciale ou des émissions de co2. C’est sur ce deuxième aspect que le débat s’est naturellement focalisé.
En effet, comme on le sait, on débat depuis décembre 2007 en Europe, de la proposition de la Commission européenne d’introduire une législation contraignante qui obligerait les constructeurs à réduire les émissions moyennes des nouveaux véhicules de 18 %. Les niveaux actuels de 160 grammes de co2 par kilomètre devraient ainsi passer à 120 g/km d’ici 2012. Dans le cas d’un dépassement de ces seuils par la moyenne d’émissions des modèles produits et vendus par les producteurs, des amendes sont prévues car l’objectif final était d’arriver à 95g/km pour 2020.
Dans cette perspective, il est évident que les constructeurs ne proposant que des véhicules mus par des moteurs à combustion interne arriveront plus difficilement à atteindre les objectifs que ceux qui pourront proposer parmi leurs modèles des véhicules 100 % électriques. Les uns auront tendance à faire pression à Bruxelles pour obtenir un assouplissement des normes. Les autres pourront développer la stratégie inverse.
Ce problème ne peut pas être résolu à niveau strictement français. Il requiert un traitement européen, ou au minimum, la création d’une stratégie public-privé de coopération compétitive entre la France et l’Allemagne, car chaque pays a sa propre approche de la question de la réduction des émissions.
Ce point, soulevé par les cadres de Renault, faisait référence aux oppositions entre d’un côté les constructeurs français, et italiens, qui produisent généralement des modèles plus petits et plus économes en carburant, et de l’autre les constructeurs de véhicules gros et puissants tels que Mercedes, Audi, Porsche, bmw Jaguar et Land Rover. Selon
ces derniers, une législation stricte en matière de CO2 les pénalise injustement, puisqu’ils ne font que répondre à la demande
du consommateur qui exige des voitures plus puissantes, plus grandes et plus sûres. Le débat reflétait ainsi celui qui avait cours à Bruxelles et qui ne s’est résolu clos (provisoirement) que le 17 décembre 2008 quand, sous l’impulsion de la présidence française de l’Union Européenne, de larges concessions à la position allemande ont été faites, dans un contexte de crise de l’automobile mondiale qui rendait très difficile l’acceptation d’une réglementation très exigeante.
Mais au-delà des feux de l’actualité, Christophe Midler a pertinemment rappelé que l’industrie des réseaux a une expérience beaucoup plus importante de coopération compétitive entre acteurs publics et privés que l’industrie automobile. Il a ainsi ouvert une réflexion plus vaste sur les pratiques existantes dans d’autres secteurs et sur l’inspiration que pourrait y puiser les acteurs de l’automobile.
Le texte des auteurs a ainsi bien cerné cette question fondamentale du rôle spécifique des territoires non seulement pour le succès du pari de Renault-Nissan (car c’est l’Alliance Franco-Japonaise qui est concernée et pas seulement Renault). Il a aussi mis en exergue l’intérêt que pourrait avoir des pays, régions ou grandes villes à se porter partenaires d’un tel projet dans lequel la voiture électrique se présente à la fois comme un stimulus économique pour les entreprises
et un outil de réduction des émissions de co2. Cette dimension politique du projet Renault - Project Better Place est relativement nouvelle pour les ingénieurs et managers et requiert d’eux le développement de compétences spécifiques.
[header=Une perspective au-delà du projet et du secteur]
Une perspective au-delà du projet et du secteur
L’historien et politiste que je suis n’a pas pu résister la tentation d’aller au-delà de l’interprétation proposée par les acteurs industriels sur les origines du projet Renault-Project Better Place. En effet, une des questions posées lors du débat fût celle des raisons qui poussent Renault à s’associer avec Project Better Place et quel est le savoir-faire particulier de cette entreprise.
J’ai donc cherché à trouver le point de vue de l’acteur manquant dans notre discussion: la compagnie Project Better Place, partenaire de Renault pour son projet de voiture électrique. J’invite les lecteurs à utiliser pour s’en faire une idée les liens :
- http://www.iop.harvard.edu/Multimedia-Center/All-Videos/The-Future-of-Tr...,
- http://www.betterplace.com/
Le fondateur de Better Place nous y livre sa propre interprétation de la gestion du projet et du rôle central joué dans cette aventure industrielle par l’Etat d’Israël, et en particulier de son Président. Il semblerait que l’initiative du projet ne soit pas venue de Renault mais du Président de l’Etat Hébreu, qui a permis de mettre en contact à Davos le jeune futur président de Better Place - cette start-up n’existait pas encore - et les patrons des plus grands constructeurs automobiles. Si les Big Three Américains – y compris Daimler à travers sa participation chez Chrysler - n’ont pas donné suite à l’invitation, Carlos Ghosn et un autre industriel (Toyota ?) ont accepté d’évaluer la possibilité de créer Better Place à partir d’une implantation pilote en Israël ayant pour vocation de s’étendre dans le reste du monde pour libérer le monde de « l’addiction au pétrole ». Seul Carlos Ghosn a fait le pari industriel de suivre cette intuition selon laquelle la voiture électrique peut être une solution faisable face aux problèmes structurels de l’industrie.
Est-ce qu’à l’heure de la crise de l’industrie automobile américaine, le Projet Better Place pourrait jouer un certain rôle dans l’avenir de toute l’industrie ? Il est bien évident que cela reste une question ouverte mais qui rappelle que le terrain de jeu de l’industrie est global et que les motivations dépassent – même si elles ne sont pas sans y avoir un ancrage décisif - le cadre de la politique des nations.
Sigfrido Ramirez
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