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Les dégâts de Takata n’en finissent pas de s’étendre
Submitted by Bernard Jullien, Université de Bordeaux on Mon, 12/01/2014 - 11:30
La chronique hébdomadaire de Bernard Jullien directeur du Gerpisa et conseiller scientifique de la Chaire de Management des Réseaux du Groupe Essca.
Le monde automobile français semble pour l’instant assez peu atteint par le tsunami des rappels massifs. Née aux Etats-Unis, la vague n’en finit pas d’enfler là bas en même temps qu’elle s’étend maintenant très largement en Asie (1). Aux derniers épisodes, on a vu Toyota rappeler cette semaine 57 000 véhicules supplémentaires après que Honda ait, deux semaines auparavant, dû le faire suite à la révélation d’une mort en Malaisie provoquée par les défaillances de l’airbag Takata (2). Les autorités japonaises se sont, à l’instar de la NHTSA, saisies du problème et vont veiller à la fois à ce que tous les rappels soient faits et à ce que les indemnisations des victimes soient assurées. Aux Etats-Unis, la NHTSA impose à tous de rappeler tous les véhicules concernés et refuse que les constructeurs s’en tiennent – fût-ce à titre provisoire – aux régions chaudes et humides où le dispositif de mise à feu de l’airbag est le plus souvent défaillant. Takata qui arguait des problèmes de production des pièces pour couvrir le besoin est menacé d’une amende de 7000 dollars par voiture si il n’obtempère pas cette semaine (3). Chrysler a de même subit les remontrances de la NHTSA pour la lenteur avec laquelle l’entreprise lançait sa campagne de rappel (4). Parallèlement, on apprenait que l’Etat d’Arizona lançait sa propre procédure contre GM pour dissimulation et réclamait 3 milliards de dollars pour "fraude au droit de la consommation" (5).
En dehors du cas de Takata et de la question de sa "culpabilité" qui, de semaine en semaine semble se confirmer (6), on est conduit à se demander si l’ampleur prise par ces affaires aux Etats-Unis renvoie aux spécificités du système judiciaire et médiatique, aux défaillances de GM et de l’automobile américaine ou aux défaillances plus fondamentales de l’industrie automobile en général.
Au premier niveau, se sont croisées les affaires GM et Takata. La grande presse, New York Times en tête, a largement fait écho à l’une et l’autre et chacun sait tout des auditions, connaît le nom des ingénieurs incriminés, prend partie pour ou contre eux, se demande jusqu’à quel point Mary Barra est innocente … Automotive News a créé une espèce de site spécifique appelé le General Motors Recall Resource Center (7) qui permet de saisir à la fois l’importance du débat et le tour qu’il a pris. On y voit s’opposer entre autres des voix comme celle de Ralph Nader qui viennent incriminer les mauvaises habitudes des très grandes entreprises américaines et celles des personnels des Big 3 qui estiment injuste et catastrophique cette campagne médiatique. Il y a donc bien une amplification proprement américaine de l’importance objective des défaillances constatées.
La question de savoir si ce qui s’est passé chez GM aurait pu se passer chez un autre constructeur et, en particulier, chez Toyota, Honda et Nissan se serait forcément posée avec plus d’acuité encore si l’affaire Takata n’était pas venue croiser celle de GM. Dans la mesure où, parmi les 11 constructeurs clients de Takata, figurent, à côté de GM, Chrysler et Ford, Toyota, Honda, Nissan, BMW, Mazda ou Mitsubishi, cette question a été moins volontiers posée qu’elle n’aurait pu l’être sans cela. Elle l’est toutefois, dans l’affaire Takata, à travers les gestions assez contrastées des rappels liés : les constructeurs japonais jouissent auprès des consommateurs américains d’une réputation de qualité qui les conduisent à rappeler très vite et très massivement. Ce n’est pas le cas des constructeurs américains et le fait qu’il faille tirer l’oreille des responsables de Chrysler pour qu’ils fassent enfin le nécessaire ne manque pas d’être interprété ainsi.
Les marques japonaises pourraient bien dès lors confirmer, malgré Takata, leur réputation alors que GM et Chrysler traineront à l’inverse longtemps ce boulet supplémentaire. Fondamentalement, c’est la compétence et la solidité des ingénieries des constructeurs américains qui est en cause et on lit volontiers dans la presse américaine ces derniers mois des articles qui soulignent par exemple que ce n’est pas seulement l’ancienne GM qui est en cause mais aussi la "nouvelle" GM. La question reste pertinente et ces difficultés pour gérer la qualité redoublent celles que l’on constate chez les mêmes constructeurs lorsqu’il s’agit de progresser réellement en matière d’amélioration de l’efficience énergétique des modèles qu’ils conçoivent. C’était pourtant une exigence très claire qu’avaient exprimée les autorités américaines lorsqu’elles ont procédé au sauvetage de GM et de Chrysler en 2008-2009.
On ne peut toutefois pas dédouaner aussi facilement les autres clients de Takata et, plus généralement, tous les constructeurs qui sont d’évidence exposés à des risques de rappel très importants. En France, le ministère du développement durable suit ainsi semaine après semaine les rappels déclenchés par les uns et les autres : la liste 2014 en recense 124 (8). Comme le notait Laurent Petizon, directeur général du cabinet AlixPartners, interrogé sur ce sujet : "La vraie difficulté est celle du rythme d’innovation. Les constructeurs les plus innovants sont ceux qui ont le plus de risque d’avoir des rappels. Les produits comme les problèmes sont de plus en plus complexes." (9). Plus clairement, les constructeurs sont engagés dans une lutte concurrentielle qui les amène à chercher, pour des raisons règlementaires en partie mais aussi pour des raisons concurrentielles, à multiplier et à accélérer les – vraies ou fausses – innovations sans pouvoir pleinement en acquérir la maîtrise. Pour éviter que leurs coûts n’explosent, ils sont alors conduits à déléguer et à le faire pour des fonctions ou des modules entiers. C’est ainsi que Takata – comme Autoliv – ont prospéré. C’est aussi ainsi que les défaillances du système Takata ont pu passer inaperçues 11 fois. Tout se passe comme si les constructeurs et les autorités règlementaires voulaient en matière d’innovation en mettre dans les yeux des consommateurs plus que le ventre de leurs ingénieries sont à même d’en gérer.
L’année 2014 aura été marquée, aux Etats-Unis en particulier, par des rappels d’ampleur exceptionnelle. Est-ce pour autant que le terreau dont se sont nourris ces feuilletons va s’appauvrir ? Rien ne l’indique puisque ni GM ni Takata ne semblent réellement menacés ni par les dégâts que leur incurie a causé ni par le Tsunami médiatique et judiciaire provoqué.
Bernard Jullien
1) http://www.nytimes.com/2014/11/28/business/international/japan-to-ask-au...
(2) http://www.reuters.com/article/2014/11/27/us-autos-takata-toyota-idUSKCN...
(3) http://bourse.lesechos.fr/infos-conseils-boursiers/infos-conseils-valeur...
(4) http://www.fox51.com/news/regulator-tells-chrysler-begin-exploding-airba...
(5) http://www.lesechos.fr/industrie-services/automobile/0203952730421-lariz...
(6) http://savannahnow.com/exchange/2014-11-27/takata-corp-airbag-recall-ref...
(7) http://www.autonews.com/section/report01
(8) http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/Signalements_2014.pdf
(9) http://www.usinenouvelle.com/article/general-motors-pourquoi-autant-de-r...
La chronique de Bernard Jullien est aussi sur www.autoactu.com.
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